Isabelle Sorente-La femme et l’oiseau

Rentrée littéraire 2021

Prix de la Feuille d’Or 2021

vagabondageautourdesoi.com Isabelle Sorente La femme et l’oiseau est le dernier roman de Isabelle Sorente sur les Malgré nous, ces soldats alsaciens oubliés de l’histoire enrôlés  dans une armée qu’il détestaient, souvent faits prisonniers, comme ceux envoyés au camp 188 de Tambov, situé à cinq cents kilomètres de Moscou.
J’avais découvert le talent d’écriture d’Isabelle Sorente l’an dernier avec Le complexe de la sorcière. Ce roman-ci relève à la fois du devoir de mémoire mais raconte aussi la transmission entre générations, des réflexions sur la vie, la liberté, la culpabilité mais aussi la méditation et la fusion avec la nature.

Vina,

Élève de quatorze ans, se fait exclure de son collège après un acte de violence. Sa mère, Élisabeth, profite pour revenir auprès de son grand oncle Thomas qu’elle n’a pas vu depuis si longtemps. Elle adorait s’asseoir enfant auprès de lui dans la forêt proche à observer arbres et oiseaux.
Sans vraiment s’en rendre compte, Élisabeth est proche du Burn-out et a besoin de réduire son rythme de travail de chef d’entreprise de sa société de films documentaires. Elle doit  s’interroger sur le sens qu’elle veut donner au reste de sa vie.

Autour de Vina, Élisabeth et Thomas, il y a Mona, l’aide à domicile de Thomas, qui est là pour veiller au confort de chacun, à leur bien-être et à leur sécurité. Car, Thomas est nonagénaire, mais gardant bon pied, bon œil dans son quotidien.

Isabelle Sorente

relie ces trois générations pour que tous apprennent de l’autre pendant les quinze jours de « vacance » que chacun va s’accorder dans son quotidien. Mais surtout, elle décrit concrètement les liens d’affection et de tendresse qui les attachent au delà des liens familiaux habituels et qui va permettre à chacun de grandir à la fois sur le chemin de la connaissance de soi, mais aussi sur l’apaisement de leur douleur enfouie.
La méditation initiée par Thomas tient une place importante. Expérience mystique pour les uns avec communion avec des oiseaux de proie, la femme oiseau, métaphore du souvenir et du passé. Introspection pour d’autres avec la nécessité de se donner du temps pour réfléchir à sa vie. Partage du temps présent en oubliant les pensées parasites encore pour d’autres.
Qu’importe le nom qu’on donne puisqu’il s’agit de retrouver pour chacun des personnages, leur personnalité profonde enfuie souvent sous les rôles sociaux que chacun s’est cru assigner de se vêtir pour exister.  Du coup, le texte se fait poétique et sensible alternant le récit de chacun.

Mais,

La femme et l’oiseau choisit de présenter un épisode de la seconde guerre mondiale complétement oublié : L’incorporation de jeunes alsaciens, devenus allemands lors de la première guerre mondiale, pour servir l’idéologie nazie. Beaucoup ont du combattre les français au côté de l’armée nazie et subir les assauts de l’armée soviétique aidée de contingents de femmes asiatiques ayant subi des sévices corporels importants.
Et, lorsqu’ils sont faits prisonniers par l’Armée rouge, ils ont été envoyés dans des camp d’internement comme celui de Tambov dès juin 1943. Six à huit mille y ont perdu la vie tant les conditions y étaient inhumaines.
Isabelle Sorente imaginent et décrient les privations, les conditions de vie épouvantables, la promiscuité, les maladies, le froid, etc. au travers du vécu de Thomas et son frère Alexandre. Un homme sur deux mourrait à Tambov après une durée d’internement inférieure à quatre mois. Ce récit, le lecteur le découvre petit à petit au fil de ce roman qui capte sans rendre captif.

Difficile de rendre compte en quelques lignes de ce roman si riche…

Car d’autres thèmes sont aussi abordés. Le grand traumatisme écouté mais rarement entendu par l’entourage. L’urgence de protection de la nature. Le poids des actes dont on ne peut se soulager. L’expérience de mort imminente. Etc.
Roman émouvant très bien construit, La femme oiseau décrit avec précisions quatre personnalités attachantes, différentes par la génération qu’elles représentent, mais soucieuses d’alléger leurs quotidiens.  Isabelle Sorente crée presque un huit-clos où la nature est présente comme ressource mais aussi apaisement. Joli coup de cœur de cette rentrée !

Merci  à @NetGalleyFrance et @Editionslattes de m’avoir permis de découvrir ce roman #LaFemmeetLoiseau de #isabelleSorente

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Pour aller plus loin

Le complexe de la sorcière – Isabelle Sorente

Puis quelques extraits

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La peur que leur planète soit entrain de brûler, que le climat soit déréglé et les ressources si rares, que leurs élans , leurs sentiments, leurs rêves ne soient réduits, avant même de se déployer, à cette petite dose d’avidité nécessaire pour survivre alors même que votre vie n’a aucun sens.

Le passé est un trou creusé dans la terre. Parfois on peut s’y blottir ensemble.

Comme si être alsacien signifiait précisément ça. Être pris dans une guerre qui n’était pas la nôtre.

Ne lui arrivait-il pas souvent de ne pas entendre ce qu’on lui disait ?
Comme si son esprit était une fenêtre ouverte par laquelle il s’envolait.

Mais lorsqu’elle ouvrit la boîte de thé toute neuve et respira le parfum d’épices, Vina se sentit terriblement émue. L’oncle vivait seul au milieu de nulle part. Le village qu’elles avaient traversé la veille avec sa mère se trouvait à deux kilomètres de la maison.
Pourtant elle avait trouvé son thé dans le placard.

Il était assez vieux, et avait fait assez de rêves, pour savoir que la plupart des songes ne sont pas grand- chose de plus que des souhaits impossibles. (…) Mais il arrivait aussi que l’âme parle la nuit. Dans ce cas-là, il suffisait d’attendre quelques jours pour que le message se précise. Si rien ne se précisait, il était inutile d’y penser davantage.

Parce qu’on est si vulnérable quand on n’est plus celui qu’on étai , mais pas encore celui qu’on va devenir. Si vulnérable, si influençable, si dépouillé de soi-même, si nu et si pressé de se revêtir, que la moindre parole retentit comme un ordre qui nous pousse une fois de plus dans la mauvaise direction.

Mais lui savait que l’âme avait le pouvoir de quitter le corps. Soit parce qu’elle souffrait trop, soit par la fascination de l’espace (il avait vu la planète bleue ! …)

Et encore

Il lui avait demandé s’il parlait de Tambov de temps en temps. Thomas lui avait dit qu’il ne s’était confié à personne (…), enfin à personne d’humain. Mais il en parlait au arbres et aux oiseaux, et même si c’était difficile à expliquer, ça lui faisait du bien.

L’esprit était un oiseau et l’esprit était le ciel que l’oiseau traversait.
Telle était sa foi personnelle.

Un Malgré nous a toujours besoin d’être rassuré.

Je m’envolais chaque nuit au-dessus du carnage, je volais jusqu’à cette falaise que tu vois en face de nous. Je me reposais dans ses creux. (..) J’étais toujours porté . Même quand je sortais la nuit pour enterrer les morts par moins vingt- cinq degrés. J’ai appris à voler dans la forêt de Rada. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai survécu. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’aime la vie.

Pour dégeler la terre parce qu’elle était trop dure, elle refusait de s’ouvrir, la terre ne voulait plus avaler tous ces morts. J’avais l’impression d’entendre gémir les arbres, je leur demandais pardon avant de les abattre.

Il aimait cet endroit depuis qu’il était enfant. Il se sentait en sécurité ici. Assez en sécurité pour ce souvenir, chaque fois que le faucon s’envolait, mais chut…chut…
La femelle s’était posée à quelques mètres d’eux.
Petite femme- oiseau avec ses pattes épaisses et sont braquet meurtrier.
L’œil sombre souligné de jaune comme celui d’une divinité.

Alors tu crois toujours que la vie est un jeu divin? Ça ne t’as pas suffi le camp de Tambov ? Tu crois que l’esprit est plus fort que la matière et que la télépathie fonctionne mieux que le téléphone ? Tu crois que l’amour finit par l’emporter ? Vieux fou !

Pour que ton champ de vision s’élargisse, il y a une frontière à passer et que ce soit une barrière, un péage ou un fleuve, pour passer la frontière, il faut payer quelque chose. C’est comme ça depuis toujours.

Ici en bref

D'habitude, je ne partage pas mes lectures lorsqu'elles ne m'ont pas plue ! Mais, là, c'est le livre qui se vend à plus

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Un premier extrait
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Puis un second
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Et le dernier

Du côté des critiques

Psychologie  –

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Lili au fil des pages 

Questions pratiques

Isabelle Sorente – La femme et l’oiseau

Éditeur : JC Lattès

Twitter :    @EditionsLattes Instagram : @editionsjclattes

Parution : 18  août 2021

EAN : 9782709668712

Lecture : Septembre 2021

Littérature contemporaine

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Chroniques littéraires

12 commentaires

  1. Un sujet historique dont on parle trop rarement… Ces « malgré nous » se sont retrouvés dans une situation très cruelle. Ayant des origines familiales lorraines et alsaciennes, cela me touche…

    • J’espère qu’Isabelle Sorrente rencontrera un public car son roman est bien construit !

  2. Merci Matatoune pour le titre de ce livre… et tu verras, l’automne est aussi une belle saison avec des couleurs flamboyantes et en attendant, profite bien de tes minis cyclamens, ils sont tellement jolis 🙂
    Bisous et bel après-midi ♥

  3. Tu me donnes grande envie de découvrir ce livre, je vais voir si je le trouve. Un livre sur un sujet essentiel, on dirait. Bonne journée

    • La littérature a cet avantage d’éclairer des moments historiques qui d’un coup prennent vie sous la plume d’un auteur de talent et c’est le cas ici !

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