Jean-Baptiste Del Amo – Le fils de l’homme

Rentrée littéraire 2021

Prix du livre Fnac 2021

vagabondageautourdesoi.com Jean-Baptiste Del Amo Avec Le fils de l’homme, Jean-Baptiste Del Amo propose une fable moderne sur la nature ancestrale de l’humain qui au fil de l’histoire élimine les extrêmes pour ne garder que ceux capables d’assumer la perpétuation de l’espèce.

Pas souhaité le lire dès sa parution, à cause du déterminisme que je pressentais, contraire à mes convictions ! Mais, le Prix Fnac lui est remis. Alors, le courage au bord des yeux, j’ai commencé à lire et je l’ai dévoré presque d’une traite.

« Et la rage des pères revivra chez les fils à chaque génération » Sénèque-Incipit du roman

Jean-Baptiste Del Amo propose, en une dizaine de pages, un prologue de scènes de survie des hommes primitifs confrontés aux éléments naturels et aux combats pour la vie comme une invite à comprendre le cheminement du monde.

Un couple, et un enfant assis à l’arrière, sont en route. Le voyage est long jusqu’à la maison isolée, les Roches, en pleine forêt loin des hameaux. Le 4×4 doit être abandonné bien avant l’arrivée car un tronc d’arbre se trouve en travers de la route. Il faut finir à pieds. Puis, la maison au confort spartiate, se découvre. Là, il faudra vivre quelques jours, un été, plus peut-être ..

Au fur et à mesure, grâce à des retours en arrière, l’histoire de cette famille se découvre. Les trois personnages principaux n’ont pas de prénom ! La « Mère » est à peine majeure lorsqu’elle apprend qu’elle est enceinte. Pourtant, très vite, elle assume seule, avec chaleur et amour cet enfant, peut-être de façon trop fusionnelle. Mais qu’importe, elle sait le protéger lorsqu’il en a besoin et il sait la soulager lorsqu’elle a ses migraines invalidantes. Le « Fils » a 9 ans et redécouvre le « Père » dont il conserve quelques souvenirs embrumés. Il était si petit ! Car la présence du Père, revenu au domicile après une très longue absence, redéfinit, par sa présence, l’équilibre fragile et simple que la Mère avait créé avec son fils.

Au travers des yeux du Fils, les trésors naturels de ce coin perdu vont tenir une place très importante, comme des instants où une certaine quiétude opère de façon presque mystique. C’est ainsi que l’enfant va parfaire sa connaissance du monde, devenant de plus en plus autonome et conscient du monde qui l’entoure. C’est aussi elle qui va le protéger de l’inquiétude qui grandit, sans fondement réel au départ, mais qui s’accompagne d’une peur qui enfle sourdement.

Seulement, les confessions sur son grand père fou, sur la Mère en tant que femme par un Père qui dévoile de plus en plus le feu de la vengeance qui l’anime vont faire grandir plus que de raison ce Fils. Par sa voix, l’intrigue se laisse appréhender, complexe et rugueuse.  Et lorsque la nécessité oblige, de la douceur va naître le chaos !

Ne pas chercher du Gore dans ce roman ! Tout s’étire, même l’action. Les descriptions précisent, s’ajustent et se complètent pour décrire un réel pesant, lourd de menaces et de violence contenue au début mais de plus en plus présente.

Dans ce huit-clos, les descriptions se recentrent sur les corps. Les dialogues restent rares, circoncis au strict nécessaire. Et même si la nature est contrôlée, elle finit par reprendre ses prérogatives. Tout se dit dans les variations minuscules de l’espace.  La prose de Jean-Baptiste Del Amo est travaillée jusqu’à l’obsession pour rendre compte des subtilités de l’émotion, du ressenti et des sentiments des personnages.

Par son final, ce roman est terrible !  Et, pourtant, il alerte sur les conditions si particulières pour que ce déterministe venu des profondeurs de notre histoire s’exerce. Sans un faisceau de circonstances cumulées, il ne peut asservir ! Car ici, il s’agit de libération ! Jean-Baptiste Del Amo contrecarre la violence brute et vengeresse par cet instinct de survie qui est centre de son roman.

Et Le fils de l’homme devient par la magie de l’écriture de Jean-Baptiste Del Amo un hymne à la vie ! Somptueux !

 @Gallimard pour #lefilsdel’homme de @jb.del.amo

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Puis quelques extraits

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C’est un vieux salaud pour sûr, mais il avait ses blessures, lui aussi. Et il n’y a pas pire qu’un homme blessé.

Tous deux considèrent avec insistance le père et le fils tandis qu’ils passent d’un pas lent, désaccordé, étrangers l’un à l’autre, existant et progressant chacun dans une réalité qui exclut leur présence respective, ne s’adressant pas un mot, pas un regard, à tel point qu’il est difficile de les croire liés d’une quelconque façon et qu’ils en deviennent suspects, sans que l’on sache précisément de quoi, mais suspects tout de même, d’avoir commis, de feindre ou de manigancer quelque chose.

La mélopée charrie un torrent d’images, de sensations dont tous éprouvent dans leur chair la profonde mélancolie, celles de leur errance sur la terre, sans but et dénuée de sens, du cycle des saisons toujours renouvelées, des morts qui continuent de cheminer à leurs côtés et se rappellent à eux dans la coulisse de la nuit par une ombre furtive ou le cri d’un loup. Et lorsque le vieux se tait, que le chant s’éteint au-dedans de lui, ils retiennent leur souffle ; quelque chose vient d’être dit de leur insignifiance et de leur majesté.

Ce chant est quelque chose d’avant le chant, d’avant même la voix, une plainte gutturale, modulée, faite de vibratos et d’ondulations dissonantes, d’expirations profondes et graves dont le corps du vieillard est tout entier la caisse de résonance. Il semble par instants qu’il provienne non pas du vieillard, mais d’hors de lui, des secrets de la nuit profonde, de la plaine invisible, du lit noir de la rivière et du cœur des pierres.

« Et la rage des pères revivra chez les fils à chaque génération » …Sénèque, Thieste.

Ici en bref

D'habitude, je ne partage pas mes lectures lorsqu'elles ne m'ont pas plue ! Mais, là, c'est le livre qui se vend à plus

Un premier extrait

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Puis un second

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Puis, un dernier

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Jean-Baptiste Del Amo – Le fils de l’homme

Éditeur : Gallimard

Twitter :  @Gallimard Instagram : @editions_gallimard

Collection Blanche

Parution : 18 août 2021

EAN : 9782072949937

Lecture : Septembre 2021

Littérature contemporaine

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Chroniques littéraires

21 commentaires

  1. Je ne doute pas de la qualité de ce livre mais le sujet ne me fait pas trop envie… En tout cas, bravo d’avoir suivi la rentrée littéraire avec tant d’attention et de sérieux – quel rythme de lecture !

    • Je me suis régalée ! Je trouve qu’il y a eu bcp de romans de grande qualité et je vais attendre les différentes sélections pour orienter mes prochaines lectures !

  2. je pense n’avoir lu aucun de ses livres et le sujet ne me tentait pas alors…
    je l’ai vu passer plusieurs fois sur les blogs
    Si je le vois un jour à la BM je tenterai peut-être 🙂

  3. Tu as balayé ma résistance préjugée vis-à-vis de cet auteur, je lirai donc enfin mon premier Jean-Baptiste Del Amo grâce à ton très bel article

  4. Tu me donnes de nouveau très envie de découvrir ce roman. Je pense qu on est un mélange de déterminé et de liberté, aucune de ces notions ne peut être absolue.
    Ton blog est une vraie encyclopédie.
    Bonne soirée

    • Non, c’est vrai ! tout n’est pas tout noir ou tout blanc. En tout cas, j’ai été surprise à la fois par la qualité de l’écriture et la façon de traiter ce sujet ! Bonne soirée

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