David Diop – La porte du voyage sans retour

Rentrée littéraire 2021

Première sélection du Prix du roman Fnac 2021

vagabondageautourdesoi.com David Diop -Pour la rentrée littéraire 2021, David Diop, tel un griot, nous raconte l’histoire de l’amour platonique d’un Orphée et d’une Eurydice au pays de La porte du voyage sans retour. Est ainsi surnommée l’île de Goré , située dans la baie de Dakar,  tristement connue comme île des esclaves d’où partaient les bateaux chargés de leur funèbre cargaison vers l’Europe et les Amériques. Envoutante, bouleversante et puissante, le style de David Diop nous plonge en plein dix-huitième siècle pour mieux nous interroger sur notre monde.

Michel Andanson (1727-1806) se voit mourir ! Il a compris depuis longtemps que courir après un savoir de botaniste pour créer une encyclopédie universaliste, comme le conseillaient les penseurs humanistes de son époque, était pure vanité. Dans sa folie de conquête du savoir, il avait oublié de décrire son espèce car il avait compris trop tard que rien ne pouvait exister sur notre terre sans l’intervention humaine pour lui donner du sens. Alors, il décide que pour sa fille il va révéler son savoir intime.

Au milieu du XVIIIè siècle, à l’époque du Directoire, Aglaé fille de Michel s’installe au château de Balaine à côté du village de Villeneuve-sur-Allier offert par son beau-père. Elle fait venir les affaires de son père transmis après sa mort. Dans la serre construite pour exploiter les semences léguées, Aglaé s’accroupit au centre comme son père avait l’habitude de le faire à la mode « des Nègres du Sénégal ». Elle découvre dans un tiroir d’un petit chevet des carnets écrits de la main appliquée de son père. Ce trésor, Michel Andanson a espèré que sa fille, femme du début du XIXè siècle saura découvrir sa vie en oubliant le poids inutile des préjugés pour apprécier l’autre, différent, mais égal par sa richesse.

Cet invite, David Diop nous propose de la suivre pour découvrir l’amour caché de ce botaniste pour Maram, jeune femme frappée par la violence des hommes et la souffrance de la traite des êtres humains. Du nord au sud, Michel découverte le pays, ses croyances et sa culture mais aussi le poids des colonisateurs dont il fait partie même s’il s’en défend. De cette connaissance, il découvre que son amour resté platonique ne pourrait aboutir tant le poids des préjugés pèsent sur les jugements de chacun, y compris d’eux-même.

Au moment de la célébration du bicentenaire de la naissance de Napoléon, responsable du rétablissement de l’esclavage, David Diop propose de mettre la focale sur sa réalité au Sénégal dans l’île qui reste encore aujourd’hui le symbole de l’exploitation humaine. Encore une fois, le roman force la réflexion et propose une illustration particulièrement réussie de cette période.

David Diop dénonce les préjugés qui aveuglent, la soi-disant supériorité occidentale, les certitudes qui contraignent vers une normalité illusoire.  L’attraction exercée par l’Occident est aussi questionnée. Est-il acceptable de devenir une « Négresse blanche » ?

Encore une belle rencontre que ce nouveau roman ! Pourtant, après Frère d’âme, le défi était lourd à relever. Mais, La porte du voyage sans retour est encore particulièrement réussi en n’abandonnant rien de son exigence d’écriture et de ses convictions. David Diop marque cette rentrée littéraire d’une empreinte passionnée et passionnante !

Remerciements à @Babelio et @EditionsduSeuil et pour #Laporteduvoyagesansretour de@DDiop_ecrivain  et du service de presse de Masse Critique

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Pour aller plus loin

Frère d’âme – David Diop

Omar Sy lit Frère d’âme

Puis quelques extraits

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Quand on passe la porte de l’autre monde, la pudeur ne la franchit pas.

Depuis grâce à lui elle savait l’art de se pencher sur une fleur, des jours entiers, pour espionner les mystères de sa vie éphémère.

Emprunter une grande route toute tracée n’honore pas l’homme de bien, en ouvrir une nouvelle, oui.

A la fin de sa vie, son père semblait revenu de cette chasse à la gloire qui avait immanquablement fui à son approche comme une biche devinant sous le vent la présence de son prédateur.

« -Tu as imaginé les plans de Dieu à la mesure de tes propres inquiétudes, lui avait répondu son père. Peut-être places-tu le paradis dans le visible parce-que tu crois impossible d’être heureux hors de chez soi. Quant à moi, je pense que c’est en soi-même que se trouvent le paradis et l’enfer. »

Il ne s’agit pas de te lester d’une partie de mon sentiment de culpabilité mais de te laisser connaître l’homme que je suis. Quel héritage utile à leur vie peuvent attendre les enfants de leurs parents? C’est du moins le seul qui paraît avoir de la valeur.

S’aimer c’est aussi partager le souvenir d’une histoire commune.

Les monuments historiques des Nègres du Sénégal se trouvent dans leurs récits, leurs bons mots, leurs contes, transmis de génération à l’autre par des historiens- chanteurs, les griots. Les paroles des griots, qui peuvent être aussi ciselées que les plus belles pierres de nos palais, sont leurs monuments d’éternité monarchique.

Je pense à leurs rois qui, comme les nôtres, jusqu’à notre empereur Napoléon Premier, n’hésitent pas à favoriser l’esclavage pour gagner en pouvoir ou s’y maintenir.

La conscience de mes limites m’ouvraient l’infini.

Leur langue est la clef qui m’a permis de comprendre que les Nègres ont cultivé d’autres richesses que celles que nous poursuivons juchés sur nos bateaux.

Ici en bref

D'habitude, je ne partage pas mes lectures lorsqu'elles ne m'ont pas plue ! Mais, là, c'est le livre qui se vend à plus

vagabondageautourdesoi.com David Diop -
Premier extrait
vagabondageautourdesoi.com David Diop -
Puis un second

 

vagabondageautourdesoi.com David Diop -
Puis le dernier extrait

 

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David Diop – La porte du voyage

Éditeur : Seuil

Twitter :  @EditionsduSeuil Instagram : @editionsduseuil

Parution : 18 août 2021

EAN : 9782021487855

Lecture : Août 2021

Littérature contemporaine

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Chroniques littéraires

26 commentaires

  1. David Diop est un auteur si talentueux. Le titre de ses écrits est , à chaque fois pour moi, un bonheur à découvrir :  » frère d’âme ».. « la porte du voyage sans retour »..
    Merci Mata, ( Frédéric me le prête cette semaine, j’ai hâte..)

  2. Auteur inconnu pour moi, même si j’avais entendu parler de « Frères d’armes »… les commentaires me donnent envie de le découvrir ! La PAL s’allonge 😉

    • A découvrir, je pense ! Mais, il ne faut pas en rajouter, trop, de livres car si j’en crois mon expérience ma liste si elle est trop longue arrive à me paralyser et je perd le plaisir de lire !

    • Oui, il faut gérer entre les livres en attente et possible de lire et tous les autres dont on a oublié l’envie et qui plombe nos lectures à venir !

  3. Tu vas me faire regretter de ne pas avoir accepter l’offre de Babelio mais ma pile est tellement haute que je sélectionne sévèrement….. J’ai eu la chance de rencontrer l’auteur dans un salon du livre lors de la sortie de Frère d’âme….. Enflammé, passionné 🙂

  4. Après avoir lu cette chronique et celle de Frédéric sur ce roman je vois que vos avis sont très positifs tous les deux. Ça donne envie de le découvrir d’autant que je ne connais pas cet auteur.

    • C’est un auteur, me semble-t-il, à découvrir ! Sa langue écrite est empreinte des saveurs de l’oral ancestral du pays de ses origines et ici il nous conte une histoire d’amour impossible comme à la manière d’Orphée et d’Eurydice en plus sombre ! Frère d’âme a réçu une belle distinction? Celui-ci ne peut passer au travers d’un prix aussi !

  5. Toi aussi tu as eu le cadeau de Babélio! mon billet sort aujourd’hui sur mon blog! quel timing on dirait une lecture commune. je l’ai beaucop aimé également.

    • Idem que pour Frédéric, je vais lire ton billet et je mets le lien sous ma chronique ! Bon, à voir pour les chroniques de la semaine prochaine. On verra si on a choisit des livres similaires ! Surprise, surprise 🙂

    • Alors, je pense que tu ne seras pas déçue ! En tout cas, je te le souhaite car j’y ai pris bcp de plaisir !

    • Ah, oui c’est vrai tu connais bien le Sénégal ! J’espère qu’il te plaira ! Bon week-end 🙂

  6. Encore un auteur que je ne connais que de nom, mais que tu me donnes envie de découvrir, comme souvent. Je n’ai pas encore attaqué la rentrée littéraire mais c’est prévu d’ici un ou deux livres avec celui de Jim Fergus. Bon week end

  7. J’ai publié ma chronique sur ce roman formidable signé David Diop. Je te rejoins totalement, il avait mis la barre très haut avec frère d’âme et là il récidive avec toujours cette puissance d’évocation, ce souffle des grands écrivains. Son style est un plaisir, je me suis vu relire certains passages juste pour le plaisir d’entendre s’écouler ces mots. Un coup de cœur.
    Passe un excellent weekend Matatoune 🙂

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