Philippa Motte – Le jour où ma mère m’a tout raconté

vagabondageautourdesoi.com Philippa Motte Philippa Motte propose avec Le jour où ma mère m’a tout raconté un premier roman très personnel sur sa grand-mère, comme une ode aux femmes empêchées.

Le roman débute au moment où Hector dépose sa femme Philippa, qui refuse ce prénom et se fait appeler Lili, au service psychiatrique du centre hospitalier proche de son domicile un 22 avril 1969. Élégante, belle, elle impressionne par sa prestance, y compris dans cet univers si particulier. Puis, Philippa Motte décrit l’attente de la venue du médecin, la culpabilité que celle qui ne se croit pas malade renvoie pour mieux encore se tenir, toujours et à jamais, droite face aux événements qui contraignent son conjoint à demander « ce rendez-vous ».

Lili et Hector Paoli ont trois enfants : Catherine adolescente, Pierre, tout juste quatorze ans et la petite dernière Sophie, douze ans. Une énième violence, mais cette fois envers un de leurs enfants, la plus jeune, avait nécessité cette démarche en urgence.

Comme le précise Philippa Motte, il n’est déjà plus question de traitements invalidants, comme la lobotomie ou les électrochocs. Cette médecine s’est ouverte aux médicaments et ils font des miracles, parait-il . Sûr de son trait d’humour, le médecin signale à Lili que une des patientes célèbres du lieu fut Camille Claudel. Est-ce aussi d’un délire paranoïaque de persécution dont souffre aussi Lili ? Ou est-ce cette maladie que les magazines aiment nommer pudiquement de troubles bipolaires ?

A partir de ce premier jour si particulier, Lili va raconter à son petit carnet rouge, sa vie, ses émotions, ses colères, ses traumatismes, son mal de vivre ! Il y a eu à l’âge où on croit aimer pour toujours la rencontre avec Jérôme. Seulement, Lili amoureuse ne connait rien de la violence de son père et de sa mère. Recluse pour avoir osé rêver, passée par les mains d’une « faiseuse d’anges », ses parents l’enferment dans l’image déformante du paraître, étouffant la moindre manifestation de son désir.

Alors, lorsque son père daigne de nouveau lui adresser la parole, elle accepte d’épouser l’homme qu’il lui a trouvé pour pardonner son affront. Mais, Hector, le kinésithérapeute, aime soigner les corps malades mais ne sait rien des âmes perturbées. Mais, aurait-il pu quelque chose à la tristesse et aux idées noires qui ne vont cesser de troubler la raison de Lili.

Et, puis, il y a ce petit sac à main verni, contenant le carnet,au pouvoir de réconfort comme le parfum « Jicky » dont Lili aime déposer quelques gouttes de liquide dans le creux, à l’intérieur de ses poignets.

L’enquête de Philippa Motte dont je ne dirai rien de plus est fortement émouvante, pudique et si respectueuse de la femme que fut Lili. Difficile de lire ce roman sans être interrogée sur la déraison qui saisit lorsque la raison ne s’entend plus ! Pourquoi est-ce elle qui porte la folie d’une famille, d’une lignée ? Pourquoi révèle-t-elle cette stigmate qui à jamais l’empêchera de vivre et la tourmentera tout au long de sa vie ?

Malgré le sujet si personnel, ce premier roman est un récit de vie qui célèbre la force de celles qui ont pu rompre le schéma mortifère et ouvrir pleinement la vie à leur volonté et leurs envies ! A découvrir, vraiment  !

Puis quelques extraits

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J’ai mesuré le chemin que nous avions parcouru ma mère et moi, l’aventure humaine que nous avions dû inventer pour que l’amour triomphe toujours des fantômes du passé.

J’ai réalisé combien j’étais issue d’une lignée de mères et filles blessées. J’étais héritière d’une faille profonde comme le noyau de la terre. D’une entaille des origines.

Alors j’ai appris à fabriquer des sourires et à encourager les bavards à raconter leurs histoires. Mais j’ai continué à ruminer et à broyer du noir.

A force de hurler sur mon monde, je me suis taillée le costume d’une femme infernale.

(…) certaines personnes personnes croient en Dieu, maman croyait en Yves Saint Laurent, alors c ‘est ce tailleur qu’elle va porter (…)

 » Chacun porte en soi la façon dont il peut devenir fou » .

(…) chaque génération portait le poids de la précédente, héritait des dossiers dans lequel il manquait des pièces. Il estimait que la plupart des gens renonçaient à s’en occuper et les refilaient à ceux qui venaient après.

J’aurais dû me méfier d’un type qui aime voir un homme affronter un énorme taureau pour le mettre a mort après avoir dansé avec lui. (…) Il y a une émotion terrible quand le taureau s’effondre à terre. Comme si tout l’excès de force et de violence contenu dans le monde , et l’innocence qui va avec, s’effondrait avec lui.

L’élégance, c’est aussi s’adapter aux circonstances et ne pas en faire trop quand l’endroit ne s’y prête pas.

Ici en bref

D'habitude, je ne partage pas mes lectures lorsqu'elles ne m'ont pas plue ! Mais, là, c'est le livre qui se vend à plus

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Puis un second extrait
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Puis le dernier

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Philippa Motte – Le jour où ma mère m’a tout raconté

Éditeur : Stock

Twitter :    @EditionsStock Instagram : @editionsstock

Parution : 12 mai 2021

EAN : 9782234087491

Lecture : Juillet 2021

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7 commentaires

    • Ce fut un moment de lecture qui m’a bcp plu, surtout que j’avais « tourné autour » sans le prendre 🙂

  1. je le note pour plus tard…
    Je confirme les troubles bipolaires sont difficiles à traiter, les bonnes posologies à trouver et surtout en phase maniaque et hypomaniaque les patients se sentent intouchables car le cerveau fonctionne à vitesse supersonique et ils aiment cet état donc veulent y rester ce qui laisse l’entourage exsangue…
    Je suis dans l’Italie,la Renaissance en ce moment cela me fait du bien

    • Le sujet est traité avec bcp de réserve sur les troublés. Lili est un exemple d ‘ élégance et de séduction même si elle finit par mélanger alcool et médicament. justement le propos de l’ auteure est de faire connaître ces troublés psychiques qui font encore trompeur ! Bonne journée

  2. Les traitements pour les bipolaires sont quand même lourds et invalidants et la charge terrible pour les familles. ça ne marche pas chez tout le monde malheureusement et certains patients restent ingérables tout au long de leur vie, accumulant les catastrophes et les ravages. Ce livre doit être prenant, mais trop près de ma réalité professionnelle pour m’intéresser.

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