Hugo Lindenberg – Un jour ce sera vide

Prix du livre Inter 2021

Prix Françoise Sagan 2021

vagabondageautourdesoi.comParu pour la rentrée littéraire 2020, Un jour ce sera vide, premier roman écrit par Hugo Lindenberg, a obtenu le prix du livre Inter 2021.

Lorsque ce roman est sorti, je me rappelle avoir « tourné autour » mais, peut-être par lâcheté, je m’en suis détournée. Car, à l’époque, la solitude de cette enfance faisait écho à la mienne et à celle que l’on vivait aussi.

Un enfant de dix ans raconte ses vacances à Houlgate avec sa grand-mère à l’accent si prononcé que le yiddish n’est pas oublié. Cette ancre qu’elle incarne n’est pas sans lui inspirer une honte qui rejoint presque les hontes de l’Histoire, celle de son peuple exilé bien sûr, mais aussi la conscience de ne pas être comme les autres.

Car, cette honte palpable et collante ne cesse de le poursuivre sur la plage qu’il fréquente chaque jour. Il s’y doit  d’y composer un rôle, celui de l’enfant heureux, léger et serein. Alors qu’il ne cesse d’observer les familles dites « normales, comme pour en découvrir leurs secrets.

L’amitié qui nait avec Baptiste le conduit à toucher du doigt la différence et l’oblige à aller quémander certesun baiser de sa mère, mais aussi l’amour maternelle absente pour avoir la sensation de toucher la normalité.

Roman d’initiation aussi à la sensualité et à l’émoi adolescent, Hugo Lindenberg  décrit par touches cet éveil sans jamais le nommer. Pourtant, les sensations et les émotions sont présentes pour éveiller l’enfant à sa conscience future d’homme.

Autre personnage énigmatique, celui de la tante, qui focalise toute les présumées  haines de ne pas être conforme à l’attendu. Elle le dérange tellement qu’il pourrait en devenir aussi violent qu’avec les méduses de la plage. Elle n’est jamais là où l’enfant voudrait la laisser et l’oublier. Mais, elle lui apporte, par l’intermédiaire d’un de ses amis, la force de l’homme qui sécurise.

A l’intérieur de ce gynécée, l’enfant s’éveille et accepte sa différence. Autant dire que ce roman est une sorte de météorite littéraire. Regarder et contrecarrer le chemin des fourmis est une métaphore de la toute puissance de l’enfance. S’inventant être suprême , l’enfant cherche à détruire cet exemple de communauté socialisée qui travaille sans relâche et communique sans parole. Même en employant les grands moyens, il se heurte à la sociabilité du groupe qui sait contourner et se relever devant les épreuves. Quelle magnifique métaphore ! Comprenant cela, l’enfant peut abandonner l’enfance pour grandir un peu !

Hugo Lindenberg livre une part forte de son univers, même s’il a refusé de parler de son passé lors des interviews. Sa lecture n’est pas aisée tant elle renvoie à l’universalité de la solitude de l’enfance que chacun a vécu avec plus ou moins d’intensité. Les réflexions de l’enfant complétées par les pensées de l’adulte qu’il est devenu force le lecteur à observer son propre vécu. Pour moi, ce premier roman est magnifique à l’écriture travaillée et unique.  Défi immense pour le prochain  !

Puis quelques extraits

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Quand Baptiste se lavait les dents ou laçait ses chaussures, il le faisait avec la grâce de ceux qui se savent observés et qu’on a délivrés de leurs monstres.

J’aimais le foie haché comme j’adorais ma grand mère: dans l’intimité du foyer. Offerts à la vue de tous, l’un et l’autre m’ embarrassaient terriblement.

Je sais que si je parle, si j’essaye de dire quelque chose, ce sont les larmes qui vont sortir.
Et avec elles, ce chagrin immense qui dort en moi et que je ne sais pas arrêter quand il se réveille.

Le voilà donc, le monde englouti qui suinte entre les lames disjointes du parquet de chez ma grand-mère.

Ils n’étaient pas venus jouer, mais pour vérifier auprès de nous que l’ordre masculin était bien respecté. Qu’ils étaient les plus forts, que nous étions les plus faibles et que cela nous désolait.

Les photos de ma grand-mère font honte. Elles n’ont rien à voir avec celles des autres, on les dirait prises avant, ailleurs, toujours au crépuscule de novembre.

Alors je ne fais rien d’autre qu’attendre que ma grand-mère se réveille de sa sieste et que reprenne la valse des tâches ménagères qui rythment nos journées. Petit-déjeuner, se laver, s’habiller, déjeuner, dîner, se baigner, se déshabiller, se coucher. Notre vie est une symphonie de robinets qui coulent, de chasses tirées, de bains vidés, de vaisselle lavée, de linge essoré. Et pour se divertir de ce déluge : la mer. Un milliard de milliards de mètres cubes d’apathie liquide devant lesquels s’ébrouent des familles ordinaires.

Chez nous, il n’y a pas plus d’enfants que de giron. Il n’y a que des survivants qui errent parmi les fantômes.

Ici en bref

D'habitude, je ne partage pas mes lectures lorsqu'elles ne m'ont pas plue ! Mais, là, c'est le livre qui se vend à plus

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Un premier extrait
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Et, un second !
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Puis, le dernier !

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Hugo Lindenberg – Un jour ce sera vide

Éditeur : Christian Bourgois Éditeur

Twitter :  @BourgoisEditeur Instagram :

Parution : 20 août 2020

EAN : 9782267032673

Lecture : Juin 2021

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12 commentaires

    • C’est un livre pas facile, je comprends ! Belle victoire des Suisses hier en foot, bien méritée car nos joueurs ont eu du mal à entrer dans le jeu ! Bravo à votre équipe !

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