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Caryl Férey – Lëd

RENTRÉE LITTÉRAIRE JANVIER 2021

Présentation

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Finie la chaleur du soleil des tropiques, Caryl Férey implante son nouveau roman policier Lëd (Glacè en russe) dans la ville la plus septentrionale, en Sibérie, cité toujours fermée aujourd’hui.

Ainsi, imaginez mille kilomètres à moins 64 degré avec autour treize mille kilomètres de toundra vierge de toute habitation, plus de quatre cents mille rennes encore complètement sauvages et une amplitude de quatre-vingt dix degré entre l’été et l’hiver!  Et autour de la ville de Norilsk, où se passe Lëd, trente kilomètres  d’une végétation exsangue à cause des pluies acides des mines de nockel. Non, le décor n’est pas encore planté ! Il manque la beauté des aurores boréales, les âmes de l’ancien goulag qui y errent encore et, bien sûr, toujours l’autorisation du FSB pour y venir ou en partir. Norilsk est une ville minière au sol renfermant des pépites presque d’or pour l’oligarchie corrompue russe.

Roman choral

Outre l’abondante documentation précise et étayée que l’on découvre comme un essai, l’intrigue rassemble sur plus de cinq cents pages une dizaine de personnages tous autant attachants les uns que les autres.

Dans cette ville qui ressemble encore à une prison à ciel ouvert, tout le monde se connait et a un lien de parenté avec les autres.

Gleb Berensky est un mineur passionné de photographies, sensible et différent. Son ex-fiancée, Valentina anime un blog qui tente de dénoncer les écarts écologistes de l’entreprise minière. Dasha Svetlova, habite une gostinka, foyer de travailleurs construits sur les sables mouvants, lors de l’expansion de la ville. Elle a 23 ans, mais en parait 30 et même 40, son vieillissement prématuré du à la pollution. Costumière se berçant des paroles de Bowie, elle est secrètement amoureuse de Greg. Seulement, lui nourrit des amours, forcément clandestines, avec Nikita.

Évidemment, il y a le flic honnête, muté ici car trop honnête, Boris Ivanov, qui va mener l’enquête après avoir retrouvé le corps d’un Nenet issu d’un peuple autochtone. Il est retrouvé, mort, congelé lors d’une grande tempête. Sa vie est illuminée depuis son mariage avec la jeune Ania Voronine, atteinte de nanisme, ainsi que d’une toux qui nécessiterait un séjour dans une zone plus saine. Son cousin est douanier  à l’aéroport de Norilsk, seul endroit possible pour quitter cet enfer. L’ousbeck Shakir Akram, à l’allure d’opurs, revoit encore les horreurs vécues de sa guerre en Afghanistan dans son quotidien de chauffeur de taxi. Léna Bokine, trente ans, yeux verts et cheveux auburn pratique la médecine légale l et accompagne son géant de mari, Sacha lors des fêtes de la bande au le Szaboy, le bar du coin.

Et puis l’intrigue

Le passé et le présent s’emmêlent pour conjurer un futur fermé et sans espoir qui ne va pas plus loin que le samedi suivant, jour de fête aux relents d’alcool.

Les six mines exploitées par un consortium sont sur un gisement de nickel-cuivre-palladium, le plus grand du monde. Seulement, la pollution est plus forte que celle produite par la France et dépasse celle de Tchernobyl. Nuages toxiques, eau polluée et lac pleins de métaux lourds, la vie y est plus courte qu’ailleurs, les affections respiratoires courantes et la perte des dents à quarante ans, chose normale.

Cette description apocalyptique se fait oublier tant l’intrigue est bien construite, les personnages fouillés et les rebondissements nombreux. Détournement de minerai, corruption de fonctionnaires, nationalisme exacerbé, secrets de famille, prisonniers du goulag, tout s’imbrique mais l’espoir viendra avec la fin de l’ouragan par la jeunesse.

Dès le chapitre 3, Caryl Férey fait s’exprimer une sorte de loup solitaire sanguinaire, cette âme de désespoir qui pour moi ressemble à l’âme russe, avec la rudesse de la vie acceptée comme une immense fatalité, des ressentis hors-norme comme l’envie du sang et de meurtre où tout est trop, dense mais tellement sensible à la fois. Et puis, la poésie, présente au fil des pages… D’abord, celle traduite des chansons de Bowie, par l’auteur lui-même mais aussi une autre plus personnelle qui parle d’amour, forts, souvent trop forts.

Avec ce nouveau roman noir à l’écriture sublime, Caryl Férey raconte comme dans un conte, le monde de cette Russie extrême d’un point de vue  sociologique, politique, ethnologique et historique où l’enquête policière n’est plus qu’un prétexte.. Caryl Férey fait entrer son roman policier dans la catégorie littérature avec un grand L. Attention, coup de cœur !

Puis quelques extraits

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En ville, un piéton pris dans une bourrasque pouvait atteindre le deuxième étage d’un bâtiment en volant.

Des survivants de tout. Car si le goulag de Norilst avait disparu dans les poubelles de l’histoire, eux égarés prisonniers…

Énième lubie de Poutine qui, tout en considérant la chute du communisme comme » la plus grande catastrophe du vingtième siècle » s’appuyait sur l’Église pour asseoir son pouvoir.

Trompe-l’œil, passage secret ou tunnel d’ amour, personne ne se douter de leur relation.

…comme tous les deux tiers de ses compatriotes,il ne possédait pas de passeport. Un Russe sur dix bénéficiait d’un visa en cours de validité : on vivait en autarcie dans le pays- continent, ce qui n’empêchait pas le Kremlin de placer l’Amérique du Nord au centre des critiques.

…tous les Russes vomissaient le mot  » démocratie » , il suffisait de leur poser la question dans la rue ou ailleurs, et l’opposition à Poutine était si faiblarde qu’elle utilisait à peine ce mot vide de sens.

Puis d’autres ici

Il y avait deux millions d’immigrés comme lui à Moscou, que la police estropiait de gaité de coeur sans qu’on s’en offusque. (…) Et, ils n’avaient qu’eux à regarder de haut alors que l’Occident les rabaissait.

Norilsk, un far- Est sibérien avec des broussailles de glace coupantes au fil du vent.

C’est en vieillissant qu’on aime le mieux les fleurs; jeune , on ne pense qu’à les arracher…

Les innocents, les jugés déviants, saboteurs, mal-pensants, Polonais, Baltes, Allemands. Japonais et surtout Russes, héros amers ou simples soldats qui avaient eu le malheur d’être faits prisonniers par l’ennemi, les bourreaux d’hier qu’il fallait éliminer, les communistes convaincus qui avaient perdu le moral comprenant au fil des purges que leur tour viendrait, frères ennemis d’une guerre de tous contre tous par le délire macabre du petit père des peuples qui aimait assassiner ses fils.

Cette tache dans son histoire et celle de leur pays en guerre contre l’ignoble, la marque que laissaient les ordures sur la mémoire des vivants.

Ici en bref

D'habitude, je ne partage pas mes lectures lorsqu'elles ne m'ont pas plue ! Mais, là, c'est le livre qui se vend à plus

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Puis celui-ci
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Un extrait

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Caryl Férey  – Lëd

Éditeur : Les Arènes 

Twitter et Instagram : @les_arenes

Parution : 14 janvier 2021

EAN : 9791037502780

Lecture : Février 2021

Pour aller plus loin :

Paz – Caryl Férey

Plus jamais seul – Caryl Férey

Romans policiers

Chroniques littéraires

14 commentaires

    • J’y ai trouvé beaucoup d’intérêt mais c’est vrai que j’aime bcp cet auteur 🙂

    • Moi j’y ai rencontré la Russie, énigmatique et si différente de l’Europe. Alors, il m’a bcp plu … A voir pour toi !

  1. j’ai très envie de le lire aussi et de faire ainsila connaissance de l’auteur…
    Même si je déverse régulièrement mon venin sur mon pote le Tsar Vlad 1er j’adore ce pays, son histoire, sa langue sa littérature….
    Qui aime bien châtie bien
    da zdarovié Vlad

  2. J’ai vu passer ce livre, dernièrement, dans une émission, et je l’ai acheté. Ton billet me donne d’autant plus envie de le lire.
    Une très belle journée à toi.

    • Merci et bon début de semaine ! Oui j’ai vraiment bcp aimé . J’avais peur d’être déçue mais pas du tout au contraire et en plus perception de la Russie, je trouve très juste😉

  3. Je n ai encore jamais rien lu de cet auteur, la faute à mon énorme pal. Ta chronique me donne grande envie de lire ce livre. Bon dimanche

    • Je l’aime bcp et j’ai tjs très peur d’être déçue …du coup, j’ai attendu et là vraiment un très bon moment de lecture. De plus, bcp de justesse sur la Russie ! 😉

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