@vagabondageautourdesoi

14-MÉLI-MÉLO DÉCONFINÉ

A nouvelle période – ce déconfinement – imposée par le Covid-19, une nouvelle rubrique apparait, un Méli-mélo déconfiné, pour sourire, pour partager, quelque fois pour écrire et dire, pour essayer d’aider à passer cette période particulière et inédite pour nous tous !
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14-MÉLI-MÉLO DÉCONFINÉ

Sur le site Villa Gillet se tiennent les Assises Internationales du Roman 2020 – Le temps de l’incertitude du 11 au 17 mai 2020. Chaque jour, une programmation riche d’auteurs contemporains est élaborée, des lectures à voix haute et tant d’autres choses. 

La Villa Gillet est depuis sa création un lieu qui donne la parole aux écrivains du monde entier, et elle est un laboratoire de réflexion sur les rôles que peuvent avoir, dans notre espace public, le livre et les débats d’idée. Il nous a paru plus important que jamais de réfléchir ensemble et avec les écrivains et les créateurs sur les questions qui traversent notre société, et à l’Incertitude qui nous frappe. Lucie Campos  – Site internet

Aujourd’hui, JOUR 6 du déconfinement, voici le texte de Joseph Ponthus, auteur de A la ligne. Feuillets d’usine.

@vagabondageautourdesoi“Écrire le travail”, Par

“Le réel, c’est quand on se cogne.” Jacques Lacan

Je ne serai jamais, malheureusement, un écrivain de l’imaginaire. Je crois savoir ce que je veux et savoir ce que j’écris. Je n’ai jamais écrit, sinon le travail, que le réel comme disait Lacan. 

Je ne saurai jamais écrire comme Homère l’Odyssée qu’il a inventée et n’a jamais connue, ou pas, sans doute, on doute, ou peut-être ; Cervantès et Quichotte, Flaubert et sa Emma, Dumas et Dantès et ses Mousquetaires. Je m’en attriste profondément. Ce sont mes héros.

J’aimerais tant inventer une histoire de toutes pièces, des héros qui deviennent des archétypes, des salauds que l’on prend plaisir à haïr, des pays de rêve, des mondes perdus, des trésors et des îles révélés par des cartes mystérieuses. J’en rêverais mais je ne sais pas.

Je suis de tous, d’eux de lecture, bien entendu ; mais d’écriture sans doute plus par Montaigne, depuis sa tour d’Aquitaine, Barthas et Apollinaire dans les tranchées, Calaferte et son immense Requiem des innocents, Michon et ses Vies minuscules, Duras et son Été 80, par tous ces gens qui écrivent sur ce qu’est je crois le réel.

Depuis toujours, je n’ai su écrire que deux choses : l’amour et le travail, c’est-à-dire mon réel. Ou l’absence d’amour et le chômage qui ne sont que la face inverse, une fichue absence de réel.

De fait, je crois que pour moi, écrire le travail a toujours été une facilité en même temps qu’une manière de sublimer ce foutu truc qui nous oblige à mettre un réveil à sonner et faire des tâches qui nous répugnent ou dont on se tamponne le coquillard en échange d’un putain de salaire toujours trop faible au regard de la souffrance endurée.

Et cet étrange paradoxe sans cesse renouvelé de pouvoir aimer le travail, aimer un salaire de merde pour un travail que l’on croit aimer, que l’on vomit, peut-être cette sacrée conception judéo-chrétienne : “Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front”.

Donc écrire en rentrant, tous les soirs, que ce fut à l’usine ou avant lorsque j’étais travailleur social, écrire quand j’étais étudiant. Ne pas tant écrire le travail que les interrogations que celui-ci induit. À quoi bon, au juste ? À quoi bon, tout ça, au plus juste ?

En faire deux livres. 

Moi qui ai toujours rêvé d’écrire un grand roman, un de la trempe d’un Russe de la fin du dix-neuvième siècle ou la plus belle chasse au trésor jamais imaginée voire flinguer le tout la langue et la narration-même comme un Beckett en extase, j’écris et publie deux livres sur le travail.

Et maintenant, c’est bon. Mon travail c’est écrivain, puisque je gagne pour l’instant des sous avec un livre. Drôle de travail, fabuleux même, le plus beau métier du monde. Mon travail, c’est d’écrire le prochain. Voilà ce réel que je me cogne aujourd’hui. 

Écrire le travail, désormais travailler l’écriture, le retournement serait facile. Je ne me vautrerai pas dedans et pourtant c’est un peu désormais ma situation. Je n’écrirai pas, je pense, sur mon nouveau travail d’écrivain. Ce serait trop facile. Il me faut être ailleurs, il faut continuer, il faut trouver un nouveau réel auquel se cogner.

Il me faut travailler.

Écrire est un travail.

12 commentaires

    • Peut-être, qu’un jour, cela se consacrera …Il faut persévérer …Faire jusqu’aux bouts de nos rêves …Bonne soirée

    • Oui, c’était vraiment un livre qui nous a etonné par son style et le sujet abordé. Bonne soirée

    • C’est gentil ! Mais il va falloir que je tienne la longueur car j’ai l’impression que cela va être long 🙂 Bonne soirée Eve

    • J’ai bcp aimé son unique livre. Je ne sais s’il en écrit un autre, mais la pression doit être énorme ! Bonne soirée

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