@vagabondageautourdesoi

Un loup quelque part – Amélie Cordonnier

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Un second roman est un enjeu important surtout lorsque le premier fut autant réussi (voir Trancher). « Un loup quelque part » aborde un sujet encore tabou : la maltraitance maternelle par le rejet d’un enfant. Amélie Cordonnier décrit une petite famille sans problème qui accueille son deuxième enfant. En allant chez son pédiatre, la jeune mère découvre une petite tache qui se multipliant, au fur et à mesure, va faire grandir le manque d’amour.

Des phrases courtes créant un rythme dynamique font vibrer de l’une à l’autre les sonorités. En quelques pages, l’angoisse est là. La dramatique s’installe. Le lecteur, en voyeur, pressent le drame irréversible. Le souffle se coupe. Le cœur se serre. C’est la sidération devant cette descente aux enfers comme lorsqu’on découvre que quelqu’un dans son entourage devient maltraitant.

L’attitude de jeune mère est révoltante, étouffante et bien sûr énormément dérangeante puisque le lecteur la subit. Mais, à aucun moment, je n’ai rejeté cette mère. Le lecteur comprend, par le talent d’ Amélie Cordonnier, les réactions de cette jeune mère avec ses peurs et ses mensonges qui ne garde que l’obsession de préserver son image sociale. Jusqu’au moment où tout va craquer. Où le loup risque de la manger !

Qu’est-ce qui fonde le désamour lorsque une mère a déjà su aimer avec tendresse et ravissement ? Est-ce la transformation de l’apparence qui fait l’étrangeté du bébé et sa non reconnaissance ? Est-ce le traumatisme vécu par la maman  par la révélation d’une filiation secrète qui entraine ce rejet ? Est-ce le deuil d’un parent qui n’a pu se construire par l’élaboration de mots etde phrases ? Est-ce la dépression post-partum qui s’énonce ici ?

Reprenant la métaphore de la Métamorphose de Kafka,  Amélie Cordonnier nous entraine dans la description des sentiments de cette jeune femme chez qui va naître l’envie d’abandon et même pire. #balancetongosse. Sa plongée dans la dépression est décrite avec tellement de réalisme que l’empathie du lecteur est d’emblée acquise. Pas de jugement,  juste du factuel. Et, le désir impérieux que la folie s’arrête. Consciente de celle-ci, la jeune femme s’emmêle dans des torrents de honte où sa culpabilité devient obsédante.

Le lecteur assiste ainsi aux effets de la carence d’amour. Si l’enfant n’est pas reconnu, il ne peut reconnaitre. La dépression de la mère gagne inexorablement l’enfant dans des murailles de peurs et d’abandon. Comme pour son premier roman, ce sont les mots qui dénoueront le drame annoncé. Et, Amélie Cordonnier nous en livre de belles descriptions. Et, la résilience saura faire son chemin.

Ce roman est un roman d’amour qui n’arrive pas à se dire qu’Amélie Cordonnier nous confie de son rythme haletant plein de rage et d’urgence pour transformer la maltraitance et le rejet en puissance de vie. La plongée dans ce sujet est vraiment à recommander.

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Elle vomit son dîner et cet aveu impossible à digérer.

Leur gosse est noir et, ironie du sort, rien ne peut la blanchir.

Elle n’a plus rien à rendre, mais continue de gerber. C’est une bile jaune, un immense dégoût. De tout. Mais d’elle-même surtout.

C’est comme si elle avait buggé. Elle aurait besoin d’être reconfigurée. En elle tout est chamboulé. Sens dessus dessous, sans dessus ni dessous.

Obligation morale, devoir conjugal. Non-assistance à pénis en danger. Bref, elle s’est motivée.

Même pour les maisons, on bénéficie d’un délai de rétractation. Cela devrait être pareil pour les bébés. Ou alors on devrait au moins pouvoir les échanger.

L’instinct maternel, on ne lui a pas proposé à la conception. Ni même après. D’ailleurs, c’est quoi.

Ce ne sont pas les épaisseurs qui protègent le mieux du froid.

On s’entend toujours mieux quand on ne se regarde pas dans les yeux.

Décrit leur attente, la folle et irréelle attente, et les préparatifs qui n’arrivent pas à meubler parce que c’est bien trop grand, bien trop fou, une attente pareille.

Personne ne peut se représenter cette béance, le cratère qui génère une attente qui n’en finit pas. D'habitude, je ne partage pas mes lectures lorsqu'elles ne m'ont pas plue ! Mais, là, c'est le livre qui se vend à plus

@vagabondageautourdesoi

 

Un loup quelque part – Amélie Cordonnier

Éditeur : Flammarion

Parution : 11 mars 2020

ISBN : 2081512750

Lecture : Mars 2020

Littérature contemporaine

Auteurs commençant par C

Chroniques littéraires

16 commentaires

    • J’ai beaucoup aimé. As tu lu Trancher ? Très bon WE à toi et bon courage si tu travailles

  1. Une mère abandonne parfois par nécessite, pour mieux préserver l’enfant on ne peut juger sans savoir c’est un sujet si délicat……Merci de la présentation. Bisous

    • Oh, je suis bien d’accord avec toi. Justement, en abordant ce sujet délicat de cette façon là, Amélie Cordonnier refuse tout jugement et montre combien l’engrenage est facile à descendre et si difficile à remonter. Bon WE Renée

    • Le sujet est terrible mais ce roman est très facile à lire. C’est rythmé mais la violence est suggérée et non décrite.

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