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Christian Boltanski

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Boltanski Christian – Centre Pompidou

Faire son temps

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Le centre Pompidou propose une nouvelle rétrospective de l’œuvre de Christian Boltanski (1944/2021). La dernière a eu lieu en 1984. Quelques cinquante œuvres sont présentées sous sa supervision. Le visiteur découvre 50 années de création.

Boltanski est reconnu comme un des principaux artistes plasticiens contemporains à la fois photographe, sculpteur et cinéaste même s’il se définit comme peintre.

Il faut comprendre l’exposition comme une installation à part entière. Alors, je vous emmène découvrir une œuvre à partir de la présentation qu’en fait cet hiver à Beaubourg Christian Boltanski, âgé de 75 ans.

Je vous entraîne vers ses obsessions :  la mémoire, le temps, le particulier et l’universel, le hasard et le destin.

Toutes les œuvres que j’ai faites sont une tentative pour trouver une réponse à des questions que je me pose (…) La question principale concerne l’importance que je donne à un être humain mais aussi à sa fragilité.
C. Boltanski

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Conçue comme un chemin que le visiteur fait, cette exposition a un départ et une arrivée. Actuellement, 90% des installations sont détruites et peuvent être refaites. Donc, c’est à la fois une même œuvre et une autre. Il y a une partition que Christian Boltanski rejoue à chaque installation.

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A l’entrée, le visiteur se trouve confronté à une vidéo produite en 1969 « L’homme qui tousse »: un homme éructe de la peinture rouge, figurant évidemment du sang. Christian Boltanski ne sait pourquoi il a fait ce type de film  dans sa jeunesse. Est-ce un trait d’humour pour se moquer de cet art contemporain qui se cherche et quelque fois se prend trop au sérieux ? Ou est-ce les obsessions sur la mémoire qui reviennent ? …

Pour lui, il clôt une période très perturbée. Né dans une famille juive au lendemain de la guerre, Christian Boltanski vit une enfance imprégnée de traumatismes. Sa mère ne cesse de raconter comment elle a sauvé son père en prétendant qu’ils s’étaient séparés, alors que celui-ci vivait caché (pendant 2 ans) sous le plancher de leur appartement. Christian et ses deux frères ont passé leur enfance à dormir dans la chambre de leurs parents et ne sortaient jamais dans la rue tout seul jusqu’à l’âge de 18 ans. A 14 ans, Boltanski quitte l’école sans savoir lire et écrire et commence à dessiner et à produire des vidéos. Il se veut peintre. Ses parents le laissent faire. Cette vidéo témoigne de l’expressionniste minimaliste dont il se revendique.

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Album photo de la famille D – 1971 – En achetant une série de photos anciennes et en les plaçant ainsi sur un mur en rang serrés, Christian Boltanski fait appel à nos souvenirs. L’album photos est un repère social qui parle à tout le monde. D. représente un nom de famille comme celui de Durand, le plus répandu en France. Cette vie est un peu celle de tout le monde. Elles nous entraînent vers le temps qui passe, l’enfance et indéniablement, la mort.

Ces installations photographiques, composées de portraits anonymes, renvoient à la fragilité de l’être humain et à la question de la disparition personnelle, liée à mon histoire personnelle. 
Boltanski – Connaissance des arts.

 

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Les habits de François C. 1971 – En photographiant ainsi les vêtements de son neveu, l’artiste préfigure les inventaires de vêtements qu’il proposera comme trace d’un corps humain disparu.

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À partir de la fin des années 1960, l’artiste s’empare de l’écriture, de photographies récupérées ou d’objets trouvés pour reconstruire des épisodes d’une vie jamais vécue. Cette autobiographie fictionnelle prend la forme de livres, d’assemblages, d’installations multimédias aux matériaux divers tels que le vêtement, la boite de métal, le luminaire ou la bougie. Chacune de ces œuvres plonge le spectateur dans une traversée du passé, à la fois personnel et collectif, à la fois fictif et réel. À travers son œuvre, Christian Boltanski interroge la mémoire affective individuelle et collective, la véracité du souvenir et de la trace, la frontière entre l’absence et la présence. Art

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Entre – temps (2003)  Cette installation se composent de photographies de Boltanski à différents âges projetés sur un rideau de fil. On voit l’artiste vieillir puis retourner à l’enfance dans un cycle infernal infini.

En 1984, Boltanski élabore son Théâtre d’ombres (ci dessous) à partir de fil de fer et de cuivre, de dessins découpés et d’éclairages qui par projection agrandissent les éléments. On y retrouve encore l’enfance, mais les éléments découpés font penser à une danse macabre, avec des squelettes, une faucheuse, etc.

Être artiste, c’est une manière de guérir.
C. Boltanski

Une nouvelle période s’ouvre par le décès de ses parents et l’exposition à la Salpêtrière (1986). Dans ce lieu particulier, il découvre l’espace et la manière de l’occuper. A partir de  ce moment, Boltanski conçoit ses expositions comme des œuvres à part entière.

Deux ans après la disparition de ses parents, il aborde la question de la Shoah en suscitant plutôt qu’en montrant directement.

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Réserve de suisses morts – 1990 – A partir de photos de défunts parues dans les pages de journaux suisses (d’un journal sérieux d’information au « Détective » local), Boltanski les agrandit à l’extrême en les poussant vers le flou et en les éclairant chacune par une lampe de bureau, rappelant des tortures.

En représentant des portraits d’inconnus que l’on ne peut reconnaître, Boltanski dépasse la représentation d’hommes particuliers pour aller vers l’universalité. En  mélangeant les photos, Boltanski pose aussi la question « Qui est bourreau ? Qui est victime ? » et oblige le visiteur à se poser la question : « Aurais-été victime ou bourreau? « 

Des sortes autels ou oratoires appelés « Monuments » sont créés jusqu’aux années 2000 en fonction des espaces et des photographies récoltées. L’exposition à Pompidou en présente un certain nombre. Boltanski a utilisé des photos agrandies à l’extrême de jeunes d’un lycée de Vienne, de photos trouvées aux puces, des photographies d’enfants d’école maternelle, etc…

Tous uniques, sans mémoire, sans identité, pas remplaçables et remplacés.
C. Boltanski

En 2005, Christian Boltanski décide d’enregistrer son cœur et de faire battre une ampoule à son rythme. L’artiste précise avec humour que le lendemain il s’est précipité chez un cardiologue pour faire un électrocardiogramme tant ce son l’avait angoissé.

En Occident, les reliques, considérées comme saintes, ont fondées l’émergence du Christianisme en développant les cathédrales et autour, des centres économiques. Boltanski rappelle, non sans provocation, que ce sont uniquement des bouts d’os. En Asie, et notamment au Japon, les immeubles, les temples, etc sont refaits tous les 20/25 ans. C’est ainsi qu’est né le projet suivant :

Christian Boltanski La bibliothèque des coeurs

La bibliothèque des cœurs- 2005

En 2005, Christian Boltanski s’est lancé dans un projet de collecte d’enregistrements de battements de cœur à travers le monde – de Séoul à Berlin en passant par Stockholm- intitulé « Les Archives du cœur », afin de rassembler tous les cœurs de l’humanité. Véritable projet universel et utopique, « Les Archives du cœur » sont conservées, depuis 2010, à l’abri du temps sur l’île japonaise de Teshima, dans la mer intérieure de Seto, mise à sa disposition par un mécène. Chaque enregistrement est répertorié et nominatif. Arsper Magazine

A la même période, Christian Boltanski utilise les boîtes à biscuit. Considérée comme le coffre-fort du pauvre, la boîte à biscuits rassemble tous les objets qui comptent pour une personne vivante ou morte. Qui n’a pas trouvé plaisir à découvrir ces boîtes renfermant des lettres, des cartes portales, des photos jaunies, un billet, une coque de noix transformée en bateau, etc..? Évidement, assemblées comme le propose Boltanski, ces boites avec la photo collée devant évoquent les columbariums de nos cimetières.

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Réserves – Les suisses morts – 1991Christian Boltanski utilise des objets que chacun peut reconnaître. La boîte de biscuit est à relier à son âge. En général, ses objets sont bon marché et capable de garder des mystères.

Tous les humains savent tout et l’artiste pointe ce que partagent les humains.
C. Boltanski

L’artiste envoie un stimuli, un message qui du coup révèle un ressenti. C’est comme si lorsque le texte existe, l’artiste vient souligner un mot pour donner à l’autre à ressentir. L’art est fait pour montrer la vie mais ce n’est pas la vérité.

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L’artiste a placé ces « boites à biscuits » dans cette superbe salle du Centre Beaubourg comme pour permettre au visiteur une respiration sur le présent et la beauté de la ville de Paris. Et, c’est très réussi ! Nous sous sommes échappés dans la contemplation de la beauté de la vue. Et, nous n’étions pas les seuls !

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Les regards – 2011 Sorte de voiles où sont imprimés des regards, l’installation bouge au fil du passage des visiteurs. Cette installation fait penser aux « portraits du Fayoum », peints de leur vivant, mais pour être enfermés dans leur tombe.

C’est celui qui regarde qui fait l’œuvre. C. Bolstanski

Dans le cadre d’un projet réalisé pour la biennale d’art contemporain d’Amérique du sud, en 2017, Boltanski souhaite approcher les baleines. Selon une tradition amérindienne, les baleines connaissent le secret de l’univers. Dans un endroit perdu de 100 000 hectares en Patagonie du nord, au milieu de 40 000 moutons, l’artiste déploie son installation qui avec le vent reproduit le chant des baleines. L’installation est filmée. Il suffit qu’en Patagonie quelqu’un rapporte qu’un homme a essayé d’approcher le secret de l’univers pour créer des légendes, comme des contes pour adultes qui deviennent les mythes modernes.

Misterios – 2017– Les écrans synthétisent trois concepts : le questionnement (les baleines), le vide (le manque de réponses) et l’image de la mort (la carcasse).

Christian Boltanski ne produit plus d’œuvres qu’on peut acheter. Certains de ses assemblages sont estimées entre 15 000 et 100 000 euros. Ce qui l’intéresse maintenant, c’est de construire à travers le monde des installations dans des lieux improbables, loin et difficilement accessibles, afin de créer de nouveaux « mythes ». Qu’on puisse dire un jour, ici un homme a essayé de parler avec les baleines, est une préoccupation importante, comme une manière de transcender le temps d’une vie et de passer à la postérité.

En occident, Boltanski considère que la transmission ce fait par les reliques, alors qu’en orient, elle se fait par la connaissance. Il suffit uniquement d’avoir connu quelque chose pour y croire. Cette conception a poussé l’artiste à produire des œuvres dans des lieux improbables.

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Crépuscule – 2015 – Chaque jour, une ampoule s’éteint. A la fin de l’exposition, la pièce sera obscur.

C’est une façon de souligner le temps qui passe et la précarité  de l’existence. Malgré tout, Boltanski se dit être un bon vivant, aimant la légèreté.

On ne peut vivre que parce qu’on oublie.
C. Boltanski

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Le terril Grand-Hornu – 2015 Cette installation fut créé pour le Musée des arts contemporains du Grand-Hornu en Belgique pour célébrer les mineurs de cette région.

C’est en 1988 que l’artiste commence à utiliser des vêtements usagers en grande quantité comme pour laisser trace et marquer l’absence. Au Grand Palais en 2010, une pince métallique vient prendre de façon aléatoire un vêtement au somment pour le lâcher après. L’artiste la décrit comme le « maître du temps » et le « maître de la vie et la mort ». Boltanski penche plus vers le hasard qui guide une vie mais ne peut ôter de ses réflexions la présence de Dieu.

Prendre la parole – 2013 – Au nombre de quatre dans la dernière salle, celle du terril, l’installation récite une question à chaque fois qu’un visiteur s’approche.

Comme un homme qui marche de Giacometti, ces installations déclinent des questions existentielles posées au visiteur.

Un artiste a forcément une famille, il est toujours dépendant. Aucun progrès en art. Mais, il y a un déroulement et des ruisseaux qui sont de la même famille.
C. Boltanski

Animatas Chili -2014 et Animatas blanc en 2017 – « Il y a des clochettes japonaises qui sonnent dans le désert du Chili et qui représentent le ciel et les âmes perdues ». En référence aux autels édifiés aux bord des routes à l’endroit des accidents, l’installation s’appelle Animatas. Dans ce désert, on peut observer le plus près les étoiles mais c’est aussi dans ce lieu que le gouvernement de Pinochet se débarrassait de milliers de opposants en jetant leurs corps torturés des avions. Il y a 800 clochettes. Les Japonnais les utilisent pour faire des vœux. De plus, ces clochettes tracent la carte du ciel le jour de la naissance de l’artiste.

Placée ainsi à la fin de l’exposition, c’est un moment de méditation que nous offre l’artiste. D’autres installations ont été mises en place sur l’île d’Orléans à Québec, près de la Mer Morte et sur l’île de Teshima. 

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Au cours de ses pérégrinations, Christian Boltanski a rencontré un homme étrange qui habite en Tasmanie, dans le sud de l’Australie. Ayant amassé sa fortune grâce aux jeux de hasard, il s’est constitué une collection aussi bizarre que lui et qui compte notamment huit momies égyptiennes. Alors que ce collectionneur voulait acquérir une de ses pièces, Boltanski lui a proposé d’acheter sa vie en viager…
Ainsi, depuis janvier 2010, quatre caméras sont accrochées dans son atelier et filment sa vie en direct, 24 heures sur 24. Les images sont retransmises en temps réel dans une grotte située dans la propriété de ce collectionneur. Elles ne peuvent pas être diffusées ailleurs, mais le lieu est ouvert à tous. C’est en cela que l’œuvre consiste, mais plutôt que de l’acheter une fois pour toute, le collectionneur verse un viager à l’artiste. Homme de pari, le collectionneur a misé sur le fait que Christian Boltanski mourrait en 2018. Arsper Magazine

Voilà deux ans que le diable de Tasmanie, comme l’appelle le peintre, a perdu ! Et, comme ce diable là ne peut passer sa vie à regarder Boltanski, il, paye quelqu’un. Pourtant, Boltanki dit qu’il n’y a rien à regarder. Il arrive à 11 h  30 et repart à 19 h. Il ne fait rien dans son atelier que réfléchir et…se gratter le nez car « lorsqu’on est artiste, ce que l’on fait c’est attendre et espérer« .

@vagabondageautourdesoiSources :

  • Céline, ma conférencière préférée
  • Masterclasse Christian Boltanski – France Culture
  • L’art et la matière Christian Boltanski – France culture
  • Connaissance des arts – HS – Bolstanski

Questions pratiques :

Faire son temps

13 novembre 2019 – 16 mars 2020

Galerie 1 – Centre Pompidou – Paris

Commissaire : Mnam/Cci, Bernard Blistène

Autres

Le guetteur – Christophe Boltanski

Expositions 2020

Chroniques Culturelles

12 commentaires

    • Oui Boltanski a des  » fantômes » qu’il traîne depuis longtemps ! Bonne fin de journée 😉

  1. Un talentueux autodidacte, un  » minimaliste expressionniste  » comme il se définit lui même ! Ses œuvres reflètent sa préoccupation du temps, de la vie et du coup peuvent tout aussi bien être empreintes de poésie ou de tragique. J’ai beaucoup aimé votre article et j’ai passé un moment intéressant en le lisant. Merci pour votre texte et vos magnifiques photos. Passez une agréable journée Tatoune 🙂

    • Merci bcp Lisa ! Difficile de rendre compte de toute l’intensité de cette exposition. Que des  » boîtes à biscuits » ou un tas de vêtements puissent nous renvoyer à la fragilité du monde et à notre propre rapport au destin et au hasard est le grand talent de cet artiste ! 😉Très bonne journée !

    • Oui, je suis d’accord que Boltanski ne laisse surtout pas indifférent. Son but est bien de faire réagir ses visiteurs pour ne surtout pas provoquer l’indifférence mais que chacun ressente par rapport à son vécu et expériences la fragilité humaine et bien d’autres sentiments si c’est possible. Bonne journée !

    • Difficile de rendre compte d’une telle exposition tant elle fait appel aux émotions et au ressenti de chacun. Si le malaise est là, l’artiste a réussi sa démarche puisque cette dernière suscite les réactions. Bonne fin de semaine !

    • Je comprends. C’est une exposition très forte par les émotions qu’elle suscite et les réflexions personnelles qu’elle ne manque pas de faire émerger. Bonne fin de semaine Renée 😉

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