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Le complexe de la sorcière – Isabelle Sorente

@vagabondageautourdesoiAvec ce roman un peu autobiographique, Isabelle Sorente nous familiarise avec « Le complexe de la sorcière » qu’elle a découvert au hasard de ses réflexions mais aussi avec le processus de création de ce livre.

Ses recherches l’orientent vers l’exécution de masse de femmes suite à la publication du livre « Malleus Maleficarum » (Marteau aux sorcières) publié en 1487 et qui institua la chasse aux sorcières comme pratique habituelle. Son succès continue à l’époque moderne parmi catholiques et même protestants… Selon cette théorie, les femmes moins intelligentes et plus influençables sont facilement sujettes à l’autorité de Satan. Elles peuvent provoquer des tempêtes, saccager des récoltes, etc. mais aussi en concluant son pacte avec le diable,  elles s’adonnent à des pratiques sexuelles jouissives avec les démons. Il fut alors urgent d’éteindre tout désir, toute faculté de pensée et de « voyage intérieur » pour détruire non seulement le désir mais jusquà son souvenir.

Ce livre fut publié à 30 000 exemplaires en moins de 50 ans (Nombreux écrivains contemporains souhaiteraient ce nombre de diffusion !). 200 000 femmes furent tuées au 15 et 16ème siècle.

Pour Isabelle Sorente,

les traumatismes subis, ou transmis par le spectacle de ces exécutions, font partie de l’histoire des femmes et entraînent une torsion de la conscience ce qui expliquerait leur dépréciation perpétuelle.

Ce rabaissement est  raconté à partir du harcèlement en milieu scolaire que l’écrivaine a subi pendant 5 ans jusqu’à la fin de sa classe de Seconde sans que sa mère, ses parents ne se doutent de sa souffrance. Bonne élève, elle savait garder une image d’adolescente sérieuse qui n’a inquiétée personne. Lorsque le harcèlement envahira la sphère privée de la famille, ni son père ni sa mère ne prendront ces alertes comme des détails significatifs du malaise que ressent leur fille. 

Isabelle Sorente décrit parfaitement ce sentiment de manque de confiance et de négation qu’elle associe au complexe de la sorcière. Son désir d’être dans le désir de l’autre, s’inscrit dans la Psychogénéalogie, de générations en générations, au point de décrire une adolescente incapable de dire non, acquiesçant à tout et répétant les fins de phrase de ses interlocuteurs en guise de réponse. Heureusement, les réseaux sociaux, pas développés à son époque,  ne vont pas amplifier à l’infini cette infériorisation.

Sa « libération »,

Isabelle Sorente l’associe à la séparation à l’amiable de ses parents lorsque la voix de sa mère a pu retrouver son individualité. Évidemment, une tranche d’analyse de presque 30 ans qu’elle nous rapporte lui permet de décoder tout cet ensemble.

La théorie d’Isabelle Sorente exposée comme un roman est extrêmement intéressante. Avec ses amies, elles vont même faire leur « sabbat » et donner plusieurs images à l‘Inquisiteur : 1/Celui du « dis le que… » façon pervers, 2/le chuchotement qui dit qu’ on en fait jamais assez et 3/la voix méchante, acerbe et haineuse, qui dit que tout est négatif… Alors, elles promettent de ne plus avoir honte de leur propre force !

C’est un roman atypique mais extrêmement intéressant que nous offre Isabelle Sorente pour cette rentrée littéraire. Sûr qu’il ne fera pas l’unanimité, mais qu’importe, elle apporte sa contribution à ce féminisme qui se réinvente actuellement. Roman à découvrir sans modération !

Merci à  @NetGalleyFrance et @JCLattès  #LeComplexeDeLaSorcière

 

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Le complexe de la sorcière serait ce soupçon permanent de soi instillé aux femmes torturées, ou aux femmes témoins de torture d’autres femmes de leur famille ou de leur entourage. L’ interdit portant sur la vérité, qu’elles ne peuvent ni chercher ni dire, sous peine de torture.

Comment l’Inquisiteur, avec une majuscule, l’Inquisiteur a pu être assimilé, intériorisé, enfoncé à coups de marteau, imprimé au fer rouge puis oublié mais conservé à l’ intérieur de la psyché comme un corps étranger après une opération chirurgicale transmis de mère en fille et de grand-mère en petite fille, comme un.juge toujours en exercice toujours prêt à mettre en doute, à haïr et à condamner la conscience d’ une femme.

 
 Même si votre ancêtre n’a pas été brûlée, vous pouvez être sûr qu’elle a vécu dans la terreur. La sorcière vous regarde, cela n’a rien de surnaturel. C’est européen. 
 
Enfin, je ne lis pas, je me dissous, j’abandonne ma peau comme un vêtement dont j’ai honte pour que d’autres histoires m’enveloppent, peu importe lesquelles, pourvu qu’elles soient longues, pourvu que je m’oublie.
 
Tous ceux qui ont fait un tour aux enfers apprennent très vite qu’on ne peut raconter ça à n’importe qui. Entre ceux que ça existe et ceux qui ne veulent rien entendre et ceux qui vous regardent en se demandant comment vous pouvez encore être normale et ceux qui se disent heureusement que ça ne m’est pas arrivé à moi, on apprend vite à repérer les autres. Ceux qui voient dans l’obscurité.

Parce qu’il faut avoir été bête noire pour défendre les bêtes noires.

Rien sur la torsion de conscience qui fait qu’en plus de ne pas être crue, la femme qui dit la vérité ne se croit pas elle-même. Au risque de se haïr.

Ne laisse personne te priver de ton pouvoir spirituel.

Il faut prier la Mère autant que le Père (…) Lorsque cela vient de l’ intérieur, c ‘est le Père. Lorsque tu es immergée en elle, c’est la Mère.

– L’ inquisiteur, c’est bien le type psychorigide qui veut mettre de l’ordre dans ta vie ?

Les hommes sont victimes de lavage de cerveau Les sorcières, de viol de conscience.

Tous ceux qui ont fait un tour aux enfers apprennent très vite qu’on ne peut raconter ça à n’importe qui. Entre ceux que ça existe et ceux qui ne veulent rien entendre et ceux qui vous regardent en se demandant comment vous pouvez encore être normale et ceux qui se disent heureusement que ça ne m’est pas arrivé à moi, on apprend vite à repérer les autres. Ceux qui voient dans l’obscurité.

C’est le grand avantage que le masculin l’emporte. Entraînées à nous mettre à la place de l’autre, nous sommes.

D'habitude, je ne partage pas mes lectures lorsqu'elles ne m'ont pas plue ! Mais, là, c'est le livre qui se vend à plus

Le complexe de la sorcière – Isabelle Sorente

Éditeur : JC Lattès

Parution : 8 janvier 2020

ISBN : 270966626X

Lecture : Décembre 2019

Littérature contemporaine

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Chroniques littéraires

15 commentaires

  1. Un sujet très intéressant. J’ai lu un numéro de « L’Histoire » sur les sorcières. C’était passionnant. Je trouve formidable que des livres abordent ces sujets qui nous font réfléchir. Merci Matatoune, excellente soirée à toi 🙂

    • Oui, j’ai l’impression que ce sujet titille plusieurs auteurs. En tout cas, le point de vue de l’écrivaine est à découvrir. De plus, elle aborde son harcèlement scolaire qui permet de comprendre son mal être. Très bon dimanche, Frédéric

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