Boy Diola – Yancouba Diémé

RENTRÉE LITTÉRAIRE 2019

@vagabondageautourdesoi.comUn homme qui s’installait à Dakar pour travailler, originaire de Casamance, on l’appelait un « Boy Diola« , « le genre de type à errer presque nu dans les forêts du Sud » et qui « se nourrit de feuilles et de racines« . C’est le titre du premier roman de Yancouba Diémé racontant l’histoire de son père Apéraw, issu de la première génération des immigrants africains sur le sol de Seine-Saint-Denis.
Un soir, Apéraw dévoile son passage après avoir vu un reportage sur un bateau de migrants échoué sur une plage de Corse. Il n’en dira pas plus !

Son fils reprend le fil de son histoire : de son travail à Dakar, puis de ses tentatives de passage, de son arrivée, de ses années d’usine, de ses autres métiers pour combattre le chômage, de ses femmes, de ses enfants mais surtout de sa dignité, de sa fierté à être celui qui est « le fils de son père » et qui continue malgré tout son chemin.  

Aucune chronologie dans ce récit, il faut accepter de suivre le chemin que nous trace l’auteur pour connaître mieux ce parcours si atypique et pourtant si habituel de ceux qui veulent quitter leur pays et qui se réinvente ailleurs. 

La Casamance est  une région considérée comme la plus belle du Sénégal. Son nom vient  du fleuve qui la parcours avec une superbe réserve ornithologique.  C’est semble-t-il un monde exubérant où une végétation luxuriante se déploie dans des rizières et des mangroves. Avec ses plages et ses vergers, la Casamance apparait comme un jardin d’éden,  selon les agences touristiques. 

Pourtant, fuyant la misère pour arriver en France en 1969, Aperaw connait l’usine Citroën d’Aulnay-sous-Bois (Celle qui avant de fermer en 2014 se faisait appeler PSA. 3 000 salariés auxquels on a proposé un projet de mobilité. Aux fils des Apreraw, immigrants maliens, algériens, tunisiens, marocains, roumains, turcs, du Sri Lanka, chinois ou haïtiens, etc.) Mais, Aperaw, lui,  a été licencié pour avoir demandé une liberté syndicale tele que la loi l’y autorisait, des salaires identiques aux autres ouvriers et des conditions de travail décentes vers 1982 après 14 ans d’ancienneté, comme de nombreux de ses frères, immigrants africains, portugais, algériens, tunisiens, marocains, etc.

Après  le chômage, le déclassement en vendant toutes les babioles de la terre sur les marchés, amasser dans des sacs poubelles, le décès de sa seconde femme, mère de Yancouba,  et passage par la religion musulmane quelque temps, ce père fier, au port si altier, connait une retraite dans un pays qui ne le reconnaît plus et où il découvre, entre autre, la lecture…

Cette parole, ce parcours de vie d’un habitant de mon département m’a profondément touchée et émue. Par facile de donner une représentation à ces hommes de l’ombre oubliés par une société qui cristallise ses failles autour du sujet de l’immigration !

Yancouba Diémé écrit pour essayer de retrouver l’histoire de ce père pudique qui refuse de dire et de raconter son vécu car dans son pays « les histoires familiales doivent rester dans la famille« . Partager la recette du riz pour celui qui part sera l’héritage qu’acceptera de laisser ce père à un fils aux écrits qu’il découvre que tardivement.

Tout au long du récit, ce sont des mots de respect et d’amour que Yancouba Diémé pose sur une parole paternelle absente son récit qui est tout simplement beau, émouvant et profondément touchant, lui qui ne parle pas la langue de son père mais qui nous livre ce parcours de vie d’un  homme, qui ressemble à tant d’autres, à qui personne n’a jamais donné la parole ! 

cite-56a4b9b45f9b58b7d0d8877b

 

Au supermarché ED (Aperaw prononcé Aide), les clients dévisagent notre caddy et se laissent aller à des commentaires sur le nombre de bouches à nourrir. Saw. Circulez, circulez. On n’est pas des bêtes de foire.


Familles nombreuses, lits superposés, grosse ambiance, père ouvrier, deux épouses et mères femmes de ménage. Je n’ai pas la force de compléter l’équation.


Le chef autoritaire reçoit la pression de ses supérieurs et comme il ne sait pas la gérer, il la redistribue tranquillement aux ouvriers.


De l’époque des marchés, je garde en tête l’image d’Aperaw portant plusieurs sacs- poubelle sur le dos. Dans ma vie, il n’y a pas d’image plus violente, de honte plus profonde.


Ce gars là c’est un Diola, le genre à errer presque nu dans les forêts du Sud, il se nourrit de feuilles et de racines.


Comment rentrer définitivement quand on est resté si éloigné des terres?


Si je savais j’aurais commencé plus tôt. Je lis un livre, y a tout dedans.


Ce qui est dans notre tête c’est ce qui était dans la tête de nos pères. La vie, c’est comme ça : tu prends les choses de la tête de ton père et tu augmentes.

Comment peut-il avoir vécu à la fois à l’époque où l’on faisait griller la viande de cochon et celle de l’école coranique ? L’époque des accouchements dans la forêt et celle des premiers dispensaires ?

D'habitude, je ne partage pas mes lectures lorsqu'elles ne m'ont pas plue ! Mais, là, c'est le livre qui se vend à plus

@vagabondageautourdesoi.com

@vagabondageautourdesoi.com

@vagabondageautourdesoi.com

@vagabondageautourdesoi.com

Boy Diola – Yancouba Diémé

Éditeur : Flammarion

Parution : 28 août 2019

ISBN :  2081454734 

Lecture : Septembre 2019

 

7 commentaires

    • C’est un parcours de vie d’aujourd’hui comme on peut en croiser des centaines… Bon weekend aussi à toi Eveline

Répondre à Dans l'oeil d'une flâneuse Bretonne....Annuler la réponse.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.