François, roman – François Taillandier

Dans son dernier livre « François, roman », François Taillandier essaye de comprendre l’enfant qu’il fut et qu’il retrouve sur une photo à l’âge de 7 ans. Lorsque sexagénaire, François Taillandier recherche l’enfant qu’il était, forcément une existence propre de ce bonhomme à la frange mal taillée se dessine. Comment retrouver l’enfant au regard de l’adulte qu’il est devenu ?

En recomposant son quotidien et ses émotions, François Taillandier nous décrit une enfance solitaire plongée dans les découvertes littéraires qui ont forgé sa passion et enfance aimée par des parents, grands-parents, des grandes tantes et oncles, tout un ensemble d’adultes qui l’ont accompagné tout au long de ces années appelées les Trente glorieuses.

Dans la seconde partie, François Taillandier nous présente aussi le François à 14 ans. Cet adolescent découvre la sexualité dans un monde d’adulte où l’injonction est la libération sexuelle. Cette partie est une petite merveille d’ironie et de dérision.  Ce jeune, la tête dans les livres, passe à côté des choses et sa maladresse à vivre y est largement décrite.

 » Son petit ange gardien, François, » qui a vécu dans le passé toute son enfance peut à la fin du livre entrer dans l’âge adulte au présent. Et, sexagénaire, François Taillandier remercie ce gamin qu’il vient de re-connaître et avec qui il se réconcilie au fil des pages.

Quelle est la partie d’autobiographie et de fiction ? Qu’importe, car dans son propos, la vie de François est riche de découvertes et de curiosités, décrite sans nostalgique et sans regret, avec bienveillance et étonnement, tant l’enfant devient un personnage différencié au cours d’une époque qui n’existe plus et dont François Taillandier refuse d’en assumer les responsabilités tant il était jeune et en décalage avec l’humeur du moment.

Mais, au delà de l’histoire d’un enfant c’est le rapport avec la littérature que décrit l’auteur. Sans les mots d’Edmond Rostand, ceux de Balzac et tant d’autres, François ne serait l’historien écrivain de notre temps. François Taillantier étudie comment les mots d’un autre peuvent former, modeler, épanouir et révéler celui qui les lit. Pour la lectrice que je suis, ce fut un plaisir de voir l’auteur décortiquer ces moments solitaires !

Pas facile de se raconter après plus de trente livres à parler du monde et de littérature! Néanmoins, le récit de François Taillandier dans son « François, roman » prouve avec élégance que vivre passe forcément par la reconnaissance de l’enfant qu’on a été et lire peut être une manière d’apprendre à se connaître, à reconnaître le monde !

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Je le regarde, ce François de la photographie, un peu compact dans son blouson soigneusement fermé, avec sa bonne grosse tête sous sa tignasse coupée en frange. Il y a de la gravité dans son regard ; on sent qu’il ne prend pas les choses à la légère. De la défiance, aussi. Il paraît sur ses gardes. Il veut bien jouer le jeu, puisqu’il n’a pas le choix, mais on sent qu’il organise des défenses. Je lui dois tout, à ce François de sept ans, c’est lui qui détient dans son regard grave et ferme le secret de toutes mes ténacités, de mes obstinations, de mes solidités.

Chaque livre que j’ai lu, Grenier, chaque ville que j’ai volontairement perdu mes pas, chaque rivage respiré, chaque nuit d’ivresse et de rire, m’aura vengé de vous en secret.

Oui, l’enfance est bien l’âge de l’impuissance, mais peut-être est-ce aussi dans ces instants pénibles, l’ennui, le fauteuil qui pique, l’édredon sur la poitrine, que François se charge comme une batterie de patience et de solitude.

Voilà, n’est-ce pas, de bien minimes souvenirs. Pourquoi me restent-ils, comme on garde une image dans un livre, une fleur séchée, un porte-clefs ? Et, pourquoi, à plus d’un demi-siècle de distance, me mettent-ils les larmes aux yeux ?

L’important n’est pas ce qu’on donne, l’important c’est le don.

La chanson, le chant, on s’en empare certes, on en use, mais ils agissent sur vous, vous travaillent en retour.

Cette expérience d’une lecture (ou d’un film, ou d’une musique) qui vous commotionne, qui va chercher en vous quelque chose que vous aviez toujours ignoré, et qui l’éveille, le produit, le profère, qui instaure un avant et un après – cette expérience que je souhaite à tous – je la connus avec Cyrano.

Les coffres de la Banque de France, à côté de çà (l’éducation à la sexualité), n’étaient que des boîtes à chaussures.

(Le freudisme) Oui, ce fut vraiment comme si, dans une maison, on décidait soudain de modifier l’ordonnancement des pièces, de supprimer un couloir, de percer une cloison pour pratiquer une porte, de refaire les sanitaires ou les circuits électroniques.

La République me confiait désormais une responsabilité et comptait que je l’assumerais, moyennant quoi on me versait un salaire mensuel, modeste mais point misérable, m’assurait en outre la sécurité de l’emploi.

Dernières phrases du livre :

François m’avait retrouvé, et il me prenait par la main? Je lui faisais enfin confiance, au petit garçon de la photo – petit, mais intraitable, avec son blouson et sa frange, et son regard déterminé à ne céder à rien.

Depuis, je crois que nous nous sommes plus jamais lâchés.

a noter

Merci à #NetGalleyFrance pour  #FrançoisRoman

Ce livre m’a été offert en service de presse par Netgalleyfrance. Remerciements aux éditions Stock. Ceci est mon avis en toute honnêteté et sans pression, comme d’habitude.

François, roman – François Taillandier

Éditeur : Stock

Parution : 1 janvier 2019

ISBN : 2234081726

Lecture : Janvier 2019

11 commentaires

    • J’avais un peu peur moi aussi mais je n’ai pas ressenti trop de narcissisme ! Bon, il faut dire que je me force à lire en ce moment « Sérotonine » et là, en auto-centrée, ça bat les records…Difficile pour moi !

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