Est-ce ainsi que les hommes jugent ? Mathieu Menegaux

vagabondageautourdesoi-estceainsi-wordpress-20180807_C’est par une question que Mathieu Ménégaux pose son sujet « Est-ce ainsi que les hommes jugent ? » Victime, un mot qualifiant tous les personnages  de ce roman !

Claire, jeune ado de 13 ans, qui avec son père essaye de surmonter le décès de sa mère, voit son univers basculé un samedi qui aurait du être ordinaire.

Gustavo, cadre, mari et père comblé s’apprête à présenter son travail de plusieurs mois lors d’une réunion où la consécration professionnelle devrait être au rendez-vous, voit son univers basculé ce matin-là aux aurores.

Defils, flic attentif à atteindre sa retraite sans encombre, voit sa vie basculée le jour où, ébranlé par la douleur d’une ado sur le corps mort de son père, il lui promet de trouver le coupable.

D’un coup, leur vie tourne au cauchemar : l’une n’aura de cesse de se venger.  L’autre cachera sa faute professionnelle en menant son équipe vers un fiasco annoncé. Et Gustavo subit les foudres de forces destructrices : la justice qui normalement constate les preuves, recoupe les faits et recherche les auteurs en respectant la présomption d’innocence et celle médiatique qui juge sous l’émotion, sans recul, pour entretenir un buzz artificiel.

A l’origine, un faits divers comme on en voit tous les jours sur les réseaux sociaux et les médias. Mais, le talent de Mathieu Menegaux est de nous faire vivre au cœur de cet événement le ressenti de chacun des personnages et plus particulièrement celui de Gustavo. L’identification du début succède au doute : avec le flic, le lecteur souhaite qu’il puisse « soulager sa conscience ». Puis, lorsque la vindicte populaire se déchaîne, comment ne pas s’interroger sur son attitude devant les infos en continu, devant les phrases en signes contenus qui circulent à la vitesse de l’éclair, devant les jugements à l’emporte-pièce où la pensée se résume à son aspect binaire « like or no », devant le média en continu qui cherche, comme dans une poubelle, le témoignage à charge afin d’entretenir l’audience, etc.    Seule Sophie, sa femme, ne doute jamais et nous renvoie à notre attitude en pareil cas.

Car, l’auteur nous force, en nous comptant une histoire bien ficelée, plaisante et réaliste à nous positionner. Mieux qu’un essai sur la justice, le récit nous plonge au cœur de nos nos émotions. En changeant de regard au fur et à mesure du roman, le lecteur dépasse ses émotions et s’interroge sur la justice, la fureur médiatique et les forces et les faiblesses de chacun.

A partir d’un roman noir aux traits psychologiques finement rendus, Mathieu Ménégaux décrit une justice implacable et dévastatrice qu’il associe au bulldozer médiatique prêt à réveiller nos plus bas instincts pour continuer d’exister. J’aurais plaisir à découvrir son prochain roman.

cite-56a4b9b45f9b58b7d0d8877bCe n’est plus une intrusion. C’est un viol. Toute sa vie est là, étalée devant lui, par terre, dans un capharnaüm indescriptible…

Il a renoncé à la recherche de la vérité, c’est inatteignable. Trop pur, trop parfait. On ne connait jamais avec certitude tous les tenants et aboutissants d’une affaire. On s’en rapproche, le plus près possible, comme dans un tableau impressionniste.

« Tout le monde ment », c’est son quotidien de flic. Tout le monde ment, sur tout, tout le temps. Coupables, innocents, tous ont quelque chose à dissimuler, une vérité à travestir pour les convenances, pour la famille, pour la société. C’est aussi ce qui rend son métier fascinant. L’imagination humaine est sans limites et ces moments sont ceux qu’il affectionne le plus. Démêler le faux du vrai, mettre en lumière les contradictions, faire surgir la vérité touche par touche, par la force du raisonnement, la puissance des faits et quelques ficelles de praticien chevronné.

…les héros ne sont plus ceux qui agissent, mais bien ceux qui peuvent revendiquer le statut de victime, victime de l’injustice, victime du système, victime des circonstances.

Penser à autre chose. Laisser le cerveau s’oxygéner.

Trouver le coupable, voilà, ça c’est fait. Maintenant elle veut qu’il s’explique, qu’il paye. Elle veut le décorum, le punir, elle veut le cachot, l’isolement, le froid, la crasse; le questionnement fait place à un désir de vengeance, et c’est nouveau pour elle. Jusque là elle espérait obtenir justice, à présent elle voudrait qu’il souffre, et elle a honte de ce sentiment nouveau qui la dévore.

La télévision et les réseaux sociaux vont réussir là où ils ont échoué ; faire condamner un innocent.

a noter

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Est-ce ainsi que les hommes jugent ?

Mathieu Menegaux

Éditeur : Grasset

Parution : Mai 2018

ISBN : 2246817439

Lecture Août 2018

17 commentaires

  1. Sacrément dans l’air du temps…..Est-ce toi qui avait parler de ce livre *L’amour et les forêts de Eric Reinhardt* si oui j’avoue ne pas avoir beaucoup aimé ai du relire deux fois le début pour arriver a rentrer dedans mais bon pas grave bisous

    • C’est un thème récurent pour l’auteur, la justice broyeuse de vie ! Mathieu Manégaux sait se glisser dans la peau de ses personnages et celui de « Je me suis tue » semble lui aussi être très réussi mais je ne l’ai pas lu. A suivre, donc, ton prochain billet sur la jeune femme Claire qui se retrouve à Fresnes et qui s’est tue !

      • « Je me suis tue » est excellent! C’est du grand Menegaux! On ne referme pas ses romans indemne.
        J’ai fait un billet sur ce roman et j’en prépare un autre sur « Un fils parfait » qui fut tout aussi réussi!

        • Merci pour ces précisions ! Je lirai celui sur le fils parfait à sa publication. Et, j’irai certainement feuilleter ces deux romans. Bonne continuation

  2. Un thème très intéressant et ô combien d’actualité ! Les réseaux sociaux (vraiment ?) qui dénoncent ou s’emparent d’une actualité pour la monter en graine, sans anlyse, juste pour faire du buzz. Merci pour cette découverte, je note le titre.

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