Qui a tué mon père – Édouard Louis

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Après des années sans s’être revu, un fils, devenu adulte, décide de revenir chez son père. A partir de cette rencontre, l’auteur décrit cette relation difficile entre un père victime de ses préjugés culturels, sociaux et politiques et un fils différent par sa sensibilité et sa fragilité.

Ce récit parle d’amour sans pouvoir jamais le dire avec des mots, des phrases, des paroles et des écrits. Au travers de souvenirs de son enfance égrenés au fil d’une réflexion presque à haute voix, Édouard Louis s’interroge et dissèque son amour pour son père.

Selon lui, son père se détruit à ne pas pouvoir parler d’émotions et de sentiments. L’absence de mots ne signifie pas absence d’amour. Mais cette impossibilité à dire est pour l’auteur un signe de dépossession permanente commun à son milieu ; pour son père, sa vie n’est pas racontable. La violence du travail sur le corps n’est plus perçue car elle s’apparente à la vie, comme conséquence de ce que subit son milieu.

Alors …

Édouard Louis s’interroge sur la masculinité tel que le perçoit son père (ne pas être pédé !) et la féminité (celle qui parle et donne les mots). A partir de sa vie, l’auteur redonne une identité à son père et lui restitue un « je » que, selon lui, la société ne reconnait pas aux membres de son milieu.

Dans le dernier chapitre, le corps abimé, éreinté et usé de son père est relié avec les conséquentes de décisions politiques. L’humanité, les mots et la vie, qu’introduit Édouard Louis est nécessaire pour donner de la voix et donc se faire entendre et se révolter, peut-être!

Récit très court, indispensable, essentiel que j’ai beaucoup aimé et que je conseille vraiment de découvrir !

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Est-ce que tu souffrais de cette chose, de ce paradoxe ? Est-ce que tu avais honte de pleurer, toi qui répétait qu’un homme ne devais pas pleurer ?
Je voudrais te dire : je pleure aussi. Beaucoup, souvent.

J’ai le sentiment que ton existence a été, malgré toi, et justement contre toi, une existence négative. Tu n’as pas eu d’argent, tu n’as pas pu étudier, tu n’as pas pu voyager, tu n’as pas pu réaliser tes rêves. Il n’y a dans le langage presque que des négations pour exprimer ta vie.

Chez ceux qui ont tout, je n’ai jamais vu de famille aller voir la mer pour fêter une décision politique, parce que pour eux la politique ne change presque rien.

Pour les dominants, la politique est une question esthétique : une manière de se penser, une manière de voir le monde, de construire sa personne. Pour nous, c’était vivre ou mourir.

Il y a ceux à qui la jeunesse est donnée et ceux qui ne peuvent que s’acharner à la voler.

Le mot fainéant est pour toi une menace, une humiliation.

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Qui a tué mon père

Édouard Louis

Édition : Seuil

ISBN : 2021399435

Parution: Mai 3018

Lecture en Août 2018

Littérature contemporaine

Chroniques littéraires

17 commentaires

  1. Qu’importe, il faut toujours suivre son intuition ! Je l’ai pas vu mais je l’ai entendu à la radio dans une émission qui lui était consacré. Pas facile de comprendre son cheminement, car, je l’avoue, assez déroutant. Néanmoins, intéressant !

  2. je n’arrive pas à aller vers cet auteur, ses passages dans les émissions littéraires me laisse sur ma faim, c’est peut-être une erreur…

  3. Je n’ai pas encore lu Louis, mais j’avoue être intriguée par les avis partagés, voire tranchés qu’il suscite. En tout cas, merci pour cette chronique qui me donne envie de lire cet auteur!
    Belle soirée, bises!

    • Oui, cet auteur est particulier car c’est rare que la blogosphère soit si animée …Moi aussi, je tournais autour depuis son premier sans franchir le pas. Mais, j’avoue être ravie de l’avoir découvert. Bon dimanche !

  4. Au contraire du précédent commentaire, son premier roman m’avait remué les tripes comme peu de roman avait réussi jusque là ! Je trouve qu’il perd de la force avec celui-ci mais ses mots me touchent toujours autant et c’est un auteur que je suivrai de livre en livre.

  5. Un livre qui me réconciliera peut-être avec son auteur. Prendre de l’âge l’a apaisé semble-t’il… J’avais détesté son premier roman dans lequel il rejetait famille et milieu.

    • Heureusement ! … Je ferais de même sur votre blog!
      Je n’ai pas lu les précédents. En tout cas, ce récit – roman a le mérite de faire parler. Les avis sont très controversés… Mais ce jeune homme semble plus apaisé et accepte avec nous de decripter ces petits gestes du quotidien qui font les marques d’amour ! Après avoir subi cette violence sourde de ceux qui ne peuvent accepter la différence, je trouve ce cheminement très louable! Et, je maintiens mon avis favorable pour ce livre!

      • La lecture d’un livre est soumis le plus souvent a son vécu personnel, éducation, parcours, etc et par conséquent et fort heureusement le « ressenti » est différent d’une personne à l’autre.
        Cordialement – Michel

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