La suivante – Sarah Emmerich

La suivante – Sarah Emmerich

Éditeur: Flammarion

ISBN : 2081408996

Février 2018

Remerciements à la librairie Diderot – Nîmes

vagabondageautourdesoi-lasuivante-wordpress-2018071Habituée à manier le verbe et la syntaxe, Agnès fait tout pourtant pour passer inaperçue. Elle travaille à la Mairie de Paris et a été la plume préférée de son ancien Maire. Qu’en sera-t-il pour la nouvelle équipe ? Ce roman commence peu après le décès de son père, figure reconnue dans le domaine de la critique d’art et ancien déporté, rescapé des camps de la mort.

En suivant son train-train plutôt grisâtre entrecoupé de moments cachés de folie, le lecteur assiste à la confrontation de deux univers décrits à la première personne : les derniers mois de captivité d’un ancien déporté et le quotidien d’Agnès suivie par une mystérieuse personne à chacun de ses pas. Est-ce son ancien amant qui l’envoie ?  Est-ce un personnage de son passé qui revient la hanter ? …

Journaliste puis rédactrice de discours politique, Sarah Emmerich nous propose un roman singulier qui ne peut laisser indifférent. J’ai commencé à le lire le lendemain de la cérémonie d’entrée au Panthéon de Simone et  Antoine Veil .

Les rescapés l’ont souvent dit : A leur retour, l’horreur était tellement insupportable qu’ils n’ont pu raconter parce qu’ils n’étaient pas entendus ! Et, même actuellement, le récit fait de cette période m’a été particulièrement pénible. Je garde en mémoire ce père et son fils attardé,  image de la cruauté des SS.

Mais, je ne m’étais jamais interrogée sur la façon dont leur entourage et leur descendance pouvaient appréhender ce passé. Car, devenu héros malgré eux, ces hommes et ces femmes devaient gérer leur colère, leur culpabilité et tenter de vivre à nouveau.  Est-ce que la souffrance peut se comparer ? Est-ce que l’une doit effacer l’autre au prix de devoir la taire et subir ? Est-ce que l’épanouissement est dans le silence et les têtes qui se détournent ? Comment chaque rescapé a retrouvé son humanité? La puissance de « La suivante » est de présenter des éléments de réponse.

Ce premier roman écrit d’une plume aisée et fluide raconte la renaissance d’une jeune femme au lendemain du décès de son père  et son cheminement personnel. Pour moi, une découverte à recommander!

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Faire dans l’épure pour dire une prière, trouver la formule, c’est magique, revenir sur terre, se concentrer, écrire un discours qui argumente, qui explique, parle à l’intelligence, parle à la tête et au cœur en conscience, c’est cela qui fait les beaux discours.

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Moi, je regardais cette scène sans la regarder. Vous savez, on peut régler la distance focale du regard tantôt en deçà tantôt en delà. On n’avait pas le droit de détourner la tête, il y avait partout des gardes qui, dès qu’on détournait la tête, nous tapaient dessus donc… c’était vraiment…une scène, une scène atroce.

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Non, le plus difficile c’est l’absurdité d’écrire sur la mort d’un survivant, ce mot est absurde. J’ai longtemps tourné autour de ce mot-là, « survivant », autant dire « Superman », voire « Übermensch », un héros capable d’avoir fait la nique aux surhommes nazis sur leur propre terrain, d’être revenu du pays d’où personne ne revient jamais, d’avoir triomphé de la faim, du froid, de la dysenterie et de la soif aussi, il paraît que c’est ça le pire : la soif rend fou.

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La nouvelle équipe adorait, bien plus que le Maire sortant lui-même, la novlangue bien-pensante, où n’existent plus ni aveugles, ni pauvres, ni vieux ou handicapés mais une profusion de signes et d’expressions toutes faites pavés de bonne intention.

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Avec papa, on passa toujours des sélections : il fallait avoir de bonnes notes, se tenir droites, faire du sport aussi, « une règle de vie bien ordonnée », il répétait toujours ce truc avec un soin maniaque, il nous fallait rester bien sagement alignés en rang, sous peine de mort.

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Un monde où la liberté de mouvement aurait supplanté la libre circulation des marchandises, un monde dont les frontières seraient reconnues plutôt que défendues, dépassées plutôt qu’interdites.

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13 commentaires

  1. Un thème qui me touche toujours car les histoires de vie et d’apres-vie après les camps sont toujours différentes et personnelles, que ce soient des histoires vraies ou romancées.

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