Rade amère – Ronan Gouézec

Rade amère – Ronan Gouézec – Rouergue noir

ISBN : 978 -2- 8126-1502-3   Parution Avril 2018

vagabondageautourdesoi-lecture-wordpress-radeamere -23Remerciements à la Librairie Diderot de Nîmes et aux éditions du Rouergue noir pour m’avoir permis de découvrir ce roman en avant première.

Comment rebondir pour envisager un avenir lorsque la vie vous accable et que l’horizon fait le gros dos comme une mer déchainée ? Qu’est-ce-qui fait que vous défiez l’adversité ? Comment un homme puisse imaginer se sortir de son enfer en entrant dans un autre ?

C’est pourtant ce que Caroff, héros de cette histoire, va penser ! Pour se remettre de la mort accidentelle de son matelot qui l’a mis au ban de la petite société de pêcheurs et de son univers, il accepte de faire le passeur, sorte de go-fast maritime, et espère ainsi avoir les moyens de tourner la page pour envisager une autre vie avec sa femme, dont il forme un couple fusionnel, et leur petite fille, le soleil de leur union.

Du coup, racontez ainsi, l’histoire apparaît biscornue et irréelle ! Mais, c’est sans compter sans le talent de l’auteur qui signe ici son premier roman. Ronan Gouézec réussit à endormir tous nos signaux, à justifier l’injustifiable et  à nous faire trembler pour ce héros si entier.

En suivant Caroff, on suit aussi un autre homme, Brienc,  qui essaye lui aussi de tourner la page de l’adversité mais, lui,  en toute légalité. Est-ce que ces chemins identiques feront la différence. Je vous laisse le découvrir !

Ronan Gouézec nous entraîne au milieu de cette mini-société d’hommes de mer confrontés à la rudesse du travail, où la parole est accessoire et où le courage est omniprésent. Ici, peu de dialogue mais des descriptions superbes qui immergent le lecteur dans cet univers particulier au cœur de cette nature omniprésente. Le film de cette histoire s’écrit avec des mots mais se déroule avec des images! Tenu en haleine jusqu’à la fin, Rade amère porte bien son nom !

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cite-56a4b9b45f9b58b7d0d8877bAutour de Jos et René, des galets par milliers, de toutes tailles, présentant toutes les nuances imaginables de gris. Des lichens plats venaient marqueter les pierres polies d’ocres, de jaunes d’or, de verts sombres et de bruns profonds. Certaines pierres arboraient d’autres variétés de ces végétaux frustres en une barbe parsemée, rugueuse sous les doigts. Ils étaient aux avant-postes de la vie végétale, au front de la guerre permanente qui animait ces rivages depuis des millénaires. Ils demeuraient là, vigies austères de la péninsule, moines soldats de bure rêche, minéral et brut.

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Un choucas s’échinait sur une longue bogue tenace à coups de tête rageurs, s’équilibrant dans de grands battements d’ailes claquantes, faisant un beau raffut, inaudible de l’intérieur. Chute de la châtaigne. Éclair bleu dans l’œil de l’oiseau agacé. Envol brusque, et la branche oscillante. Retour au calme. Plus de rouge-gorge.

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Il réalise soudainement ce qu’il vient de dire et se met à rire, Babeth se met à rire, puis Josette se met à rire, et enfin Jos. Les rires prennent de l’ampleur, les larmes coulent, on se tamponne les yeux. On reprend sa respiration. Le calme revient.

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Et puis … plus rien, une suspension dans l’air, une parenthèse de paix, à peine le bruissement de l’air et le vrombissement du moteur et des pneus, frustrés de ne plus rien avoir à mordre.

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Les secondes s’égrènent, les minutes. L’éparse continue sa dérive silencieuse. Rien ne trahit son passage furtif. Un promeneur nocturne ayant décidé de sortir son chien insomniaque est à cet instant  sur l’ancien pont qui enjambe l’Elorn, accoudé dans la brume. Il sent sur la peau de son visage l’arrivée progressive de la brise, son souffle humide et frais, il entend le petit clapot qui hachure la surface de l’eau en contrebas sous la couche de coton, et aussi le cliquetis des griffes de son chien un peu plus loin. Mais du passage de la voiture entre deux eaux à vingt-sept mètres sous ses pieds il ne perçoit RIEN. 

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La folle du GPS préconise de tourner à la prochaine intersection, comme si de rien n’était, puis elle a comme une hésitation électronique nasillarde, et se tait définitivement.

babelio

 

 

 

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