Quand sort la recluse …

CVPRÉSENTATION BABELIO

« – Trois morts, c’est exact, dit Danglard. Mais cela regarde les médecins, les épidémiologistes, les zoologues. Nous, en aucun cas. Ce n’est pas de notre compétence.
– Ce qu’il serait bon de vérifier, dit Adamsberg. J’ai donc rendez-vous demain au Muséum d’Histoire naturelle.
– Je ne veux pas y croire, je ne veux pas y croire. Revenez-nous, commissaire. Bon sang mais dans quelles brumes avez-vous perdu la vue ?
– Je vois très bien dans les brumes, dit Adamsberg un peu sèchement, en posant ses deux mains à plat sur la table. Je vais donc être net. Je crois que ces trois hommes ont été assassinés.
– Assassinés, répéta le commandant Danglard. Par l’araignée recluse ? »

En mai, lorsque le livre est sorti, à grands renforts de trompettes publicitaires, je m’étais dit: encore un nouvel opus d’Adamsberg avec ses enquêtes improbables, ses collaborateurs déjantés et ses pensées liant le passé au présent complétement barrées. Cette fois-ci, je n’y céderais pas!

Puis, je l’ai quand même acheté:  Pas possible, de ne pas, au moins, essayer!

Le livre a séjourné longtemps sous d’autres, comme oublié.

Au moment où je me suis enfin sentie libérée, bien avant de me téléporter dans une villégiature estivale, je l’ai ouvert et je m’y suis plongée à corps perdu! Car, il en faut de la disponibilité pour entrer dans cet univers si particulier!

Les faits divers en avaient parlé à l’été 2015, particulièrement chaud: dans le Languedoc Roussillon, huit femmes avaient été victimes de  la « Loxosceles rulescens »,

Mais, passer presque 500 pages autour de cette araignée au céphalotorax qui ressemble à un violon  et où s’entremêlent nos veilles connaissances, c’est tout simplement brillant! :

  • « Rétancourt s’encadra dans la porte ouverte. Et quand Rétancourt s’encadrait dans une porte, il était difficile d’avoir une quelconque visibilité, ni vers la salle austère, ni vers le plafond. » Mais, qu’elle devienne plus féminine, ça, je ne m’y attendais pas!
  • Danglard, l’adjoint si proche pour l’aide et le soutien », retranché dans son bureau, consolait son désarroi en éclusant du vin blanc ce qui l’empêche en rien de poursuivre la rédaction du Livre ». Mais, le fidèle qu’il devienne scélérat ! Ça je ne m’y attendais pas!
  • Veyrenc, l’ami d’enfance: « ça, c’était quand j’étais enfant, répondit Veyrenc, sans embarras. Une bande de gamins, quatorze coups de canifs sur la tête, les cheveux ont repoussés ainsi ». Qu’il puisse faire de la maïeutique avec son ami d’enfance. Ça je ne m’y attendais pas!

Et, que dire de

  •  la chèvre avec B. B, comme Bruno Bettelheim et non Brigitte Bardot.
  •  « crachats du ciel »: Est-ce ceux de Zeus sur le héros?
  • proto-pensées, comme autant de bulles de champagne dans une flûte en cristal,
  • recluse médiévale à l’heure de maintenant,
  • garbure à chaque diner,
  • pigeonnier comme signe d’évitement,
  • merles à nourrir dans un commissariat,
  • boules de neige en collection,
  • un chat si précieux que la photocopieuse où il se place est allumée en permanence pour qu’il puisse s’y sentir à l’aise,
  • cuspides qui n’ont rien à voir avec l’extraction du héros,
  • « blaps de la Miséricorde »
  • Fernand de Magellan,
  •  un vrai polar où les méchants seront détruits et l’assassin arrêté !

Cette poésie, ces invraisemblances,  ce surréalisme font le charme de ce roman …comme d’habitude avec Fred Vargas!

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Dis-moi, comment ça s’appelle cette manière de parler qui consiste à emmerder l’autre en le questionnant sans cesse pour lui faire cracher ce qu’il ne sait pas mais qu’il sait ?
La maïeutique.
Et qui a inventé ce truc ?
Socrate
Si bien que lorsque tu me questionnes coup sur coup, c’est cela que tu fais ?
Va savoir dit Veyrenc en souriant

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Proto-pensées ?
– Des pensées avant les pensées, vos  » bulles gazeuses « . Des embryons qui se promènent et prennent leur temps, apparaissent et disparaissent, qui vivront ou mourront. J’aime bien ceux qui leur laissent leurs chances.


INTERVIEW

Fred Vargas  Figaro Madame

Par Minh Tran Huy | Le 06 août 2017

« Cela m’a plu. La présence des animaux vient aussi, sans doute, de ce que nous vivons dans un monde qui en regorge – à supposer qu’on parvienne à ne pas les tuer tous, araignées comprises ! Et, bien sûr, j’ai exercé le métier d’archéozoologue jusqu’en 2005. »

 » Or, le roman policier tient lui aussi à une histoire qu’on doit décrypter. L’historien et l’inspecteur cherchent des traces et tous deux entament leur enquête par des indices initialement incompréhensibles. »

« Le roman policier, pour sa part, résout par la catharsis, comme dans la tragédie grecque, les angoisses de bien et de mal et les angoisses de mort, l’assassin étant seulement un symbole de mort. C’est le roman anxiolytique par excellence : il aide pour un instant à lutter, si ce n’est contre la mort, du moins contre son angoisse, puisqu’elle est vaincue dans le livre. »

« Et dire que je n’avais pas fait exprès de choisir le patronyme de Seguin ! J’ai souvent l’impression que le livre me précède quand je l’écris, et qu’il se construit autant que je le construis… L’esprit d’Adamsberg fonctionne lui aussi à la manière d’une porte battante entre conscient et inconscient. »

« En fait, j’ai commencé à écrire des romans policiers parce que j’ai renoncé à l’accordéon. J’ai toujours eu une passion pour cet instrument. J’en avais un petit que je transportais avec moi à l’université et dont je jouais entre les cours. C’était lui, mon chemin de traverse qui me changeait de l’archéozoologie. Au bout de dix ans, j’ai arrêté car j’ai compris que je n’étais pas assez douée. L’écriture de romans policiers a pris le relais, avec l’idée que l’accordéon est le mauvais garçon de l’orchestre, et le roman policier le mauvais garçon de la littérature… »

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